Christiane est la fondatrice de PacifiKMarket.nc, une plateforme de e-commerce pour l’artisanat de Nouvelle-Calédonie, créée en 2020. Principalement dédiée aux femmes, actrices de l’économie solidaire, cette plateforme répond à plusieurs enjeux sociétaux : la promotion de la culture, du savoir-faire local, de l’innovation, en réponse à une économie stoppée par la Covid-19. Pour Christiane, PacifikMarket.nc est une solution réelle à la promotion du savoir-faire calédonien.
- – Christiane, pourquoi avoir créé PacifikMarket.nc ?
J’avais d’abord envie de relever un challenge (sourire) ! Celui de répondre à une problématique économique du pays, due à la Covid-19. PacifikMarket.nc est donc né de la collaboration de personnes ayant rencontré des difficultés de commercialisation de leurs productions. La crise sanitaire et les périodes de confinement m’ont démontré l’urgence de m’engager dans la transition numérique pour développer mon activité en faveur des artisans.
J’ai donc tout de suite lancé ma startup, après avoir fini une formation dispensée à des femmes entrepreneures du Pacifique, par Shopify Canada en partenariat avec la Pacific Cooperation Foundation et grâce à l’appui de mon réseau régional de femmes entrepreneurs des îles du Pacifique. A l’occasion du salon DigiNova d’octobre 2020, qui est le salon du digital en Nouvelle-Calédonie, je me suis engagée dans cette nouvelle aventure.
2- Donc ton idée était de créer une plateforme de e-commerce pour valoriser l’artisanat local ?
Pour mettre en avant l’artisanat local oui, mais surtout mettre en avant les femmes (sourire) ! En Nouvelle-Calédonie, notre artisanat est très marqué par notre culture. Notre identité océanienne est très présente. C’est dans l’artisanat qu’on trouve beaucoup de femmes kanak et océaniennes exerçant leur activité de couturière, de tresseuse ou de fabrication de bijoux et accessoires océaniens. Leurs productions sont vendues sur les marchés au village ou à la tribu et de plus en plus sur les réseaux sociaux. C’est donc naturellement, que j’ai décidé de travailler avec des femmes.
Ensuite, je voulais trouver une solution à cette problématique de distribution que subissaient les artisans de l’île. À la suite du premier confinement, l’activité tourisme s’est trouvée ralentie, ce qui a pénalisé beaucoup d’entreprises calédoniennes. Il a donc fallu trouver un autre circuit de commercialisation pour nos couturières et autres artisanes.
C’est là que la plateforme rentre en jeu. Elle s’est imposée comme étant la solution pour préserver l’activité artisanale. Et même au-delà, elle permet de montrer le savoir-faire de nos artisans et de toucher d’autres segments de clientèle à travers le monde : nous livrons partout (France métropolitaine ou au Canada) et surtout, dans les territoires d’Outre-Mer.
Aujourd’hui, la plateforme montre tout son potentiel et sa nécessité. Elle aide des corps de métiers et des acteurs de l’économie informelle qui sont peut-être oubliés de certains dispositifs financiers, de formations, ou des circuits de distribution. C’est pour cela que la valorisation de l’artisanat par le digital est avant tout une ambition. Celle de rassembler ces métiers d’art pour promouvoir notre identité calédonienne.
Ça, c’est le cœur du business : conjuguer les objectifs de cohésion sociale des artisans en tribu avec une rentabilité économique. PacifikMarket.nc se veut un acteur pionnier dans l’économie sociale et solidaire en Nouvelle-Calédonie et ça passe par l’inclusion économique des publics défavorisés dont nous les femmes.
3- Quelles sont les difficultés que vous rencontrez ?
Je pense que les difficultés sont multiples et la crise sanitaire les a renforcées. La première est toujours l’accès au financement.
Il faut comprendre aussi, que les fournisseurs de PacifikMarket.nc viennent souvent de zones rurales où les facilités technologiques sont limitées.
Et puis nous sommes sur un archipel, avec toutes les difficultés d’approvisionnement que cela implique des matières premières. Ce n’est donc pas évident de garantir une production sereinement toute l’année.
Enfin, l’accès à la formation. Quand tu es dans le digital et que ça n’est pas ton premier métier, il faut être près des centres de formation pour pouvoir profiter des ressources et des réseaux de prestataires du digital ou bien bénéficier des offres de formations en gestion et de développement d’entreprise. En zone rurale, ce n’est clairement pas évident.
C’est pour cela que PacifikMarket.nc favorise l’inclusion et depuis le lancement je poursuis notre objectif collectif d’innovation sociale en allant chercher des partenariats. Sur la plateforme, nous faisons collaborer des personnes qui viennent d’horizons divers : des Tech entrepreneuses, des couturières, les scolaires, des organismes de financements, des artisans, sculpteurs, artistes plasticiens, des médias, etc.
4- Est-ce pour cela que tu es labellisée French Tech Tremplin et que tu as participé à la 2nd Edition de Pacific Exposition ?
Effectivement (sourire) ! Lorsque la French Tech Tremplin a ouvert son appel à projet l’année dernière, je n’ai pas hésité à envoyer ma candidature. J’ai eu beaucoup de chances, car avec une autre calédonienne, nous avons été sélectionnées parmi 800 projets.
Le fait que French Tech Tremplin sélectionne mon projet était pour moi, une façon de reconnaître qu’il y a un savoir-faire et des talents en Nouvelle-Calédonie. Ce label valorise le dynamisme des entreprises du digital Calédoniennes et un atout pour la visibilité de ma startup.
Pour ma part, ce label m’a permis de bénéficier d’une bourse de la BPI France et d’être soutenue par l’Incubateur de Nouvelle-Calédonie grâce à des formations spécifiques et en continue en lien avec mon métier, également d’intégrer la communauté French Tech NC grâce à la robe mission, un élément vivant de notre patrimoine.
Fin octobre, PacifikMarket.nc a participé à la Pacific Exposition, une expo commerciale virtuelle qui permet aux entreprises calédoniennes de se projeter sur une plateforme économique régionale, très utile en période de crise. Cette année, c’était en Nouvelle-Zélande, avec pas moins de 20 pays océaniens présents et 200 entreprises participantes. Le fait de montrer notre savoir-faire dans ce type d’opération business, fait partie de ce que je nomme la résilience. C’est une carte d’entrée pour se développer à l’international. Cela permet aussi, de créer des partenariats ciblant l’industrie textile et particulièrement le « indigenous fashion »
5- Si tu avais un conseil à donner à de jeunes entrepreneurs ou porteuses de projets calédoniennes, que leur dirais-tu ?
De ne pas oublier de rêver : en cette période d’instabilité, il faut innover et garder la foi. Notre territoire est riche de talents, c’est une terre de pionniers. Il y a des opportunités partout, le digital étant le levier pour se développer. L’entrepreneuriat social et solidaire est un modèle possible pour notre société calédonienne. Il ne faut pas hésiter.
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