Pour le professeur Maura Mc Adam, de la Dublin City University, les réseaux féminins d’accompagnement ou de soutien véhiculeraient une vision masculine de l’entrepreneuriat, ghettoïsant alors les femmes. Explications.

Même si la France n’est pas dans le top 3 des pays les plus innovants, elle se place à la 6e place mondiale des pays où il fait bon entreprendre pour les femmes (selon des études de 2017). Pourtant en 2019, Infogreffe a enregistré un taux de création d’entreprises féminines de seulement 26% (incluant les micro-entreprises et excluant les professions libérales). Un chiffre, qui reste nettement inférieur au 40% fixé par la gouvernance. Pourquoi alors un tel écart ?

Des réseaux féminins indispensables à la création d’entreprise

La France compte plus de 500 réseaux féminins dédiés aux femmes entrepreneures. Leur objectif à tous ? Augmenter le nombre de création d’entreprises par les femmes. Peu importe le domaine d’expertise et le secteur d’activité, pourvu que ces entreprises soient : innovantes (Les Premières), impactantes (FCE), profitables (Bouge ta Boîte) etc…

Ainsi, quand certains réseaux sont mixtes, d’autres sont exclusivement féminins. Leur point commun ? Être des indispensables de la politique publique, pour stimuler l’entrepreneuriat féminin. Mais n’est-ce pas là tout le problème ?

Des réseaux féminins trop masculins ?

La question est donc : où est l’efficacité des réseaux féminin ? Selon l’étude du professeur Mc Adam, le résultat serait le même peu importe le pays. Pour elle, et selon son étude menée sur un groupe d’entrepreneures irlandaises, les réseaux auraient :

  • une vision masculine trop marquée. Dans son nouvel article publié au Journal of Economic Geography, le professeur Mc Adam montre les limites des réseaux féminin, qu’ils soient mixtes ou non. Selon l’article, les réseaux véhiculeraient une vision masculine de l’entrepreneuriat féminin. Une vision qui ne correspondrait donc pas à la réalité vécue par les femmes entrepreneures ;
  • un déséquilibre social. La création d’entreprise par une femme serait encore perçue de nos jours, comme un problème qu’il faudrait résoudre. Les réseaux féminins créent ainsi des cercles de rencontres où sont invités des rôles modèles, censés inspirer les entrepreneures. Or ces rôles modèles seraient stéréotypés car ils sont souvent des femmes ayant créé de grandes entreprises, de l’emploi, issus de grandes villes et de pôles économiques majeurs. En somme, des femmes qui ont réussi selon les « normes masculines ».

Des constats qui tendent à laisser penser, que les effets des réseaux féminins sur les femmes entrepreneures sont plutôt négatifs et freinent la création d’entreprise.

Vers une ghettoïsation des femmes entrepreneures ?

Or « en déclarant aider les femmes entrepreneures, ces réseaux [féminins] contribuent à les ghettoïser » explique le professeur Mc Adam. « Ces réseaux confondent le réseau comme une structure et non le réseau comme une fonction ».

La structure est donc là mais au lieu de créer du capital social, et de générer par extension des ventes, elle procure des échanges entre femmes « qui les font rester elles-mêmes ». Comprenez donc, que les entrepreneures trouvent alors dans les réseaux féminins du soutien émotionnel mais pas de réels débouchés pour leurs activités.

Parfois même, les cercles féminins entrainent indirectement de la compétitivité négative : les femmes se mesurent entre elles, mais aussi à des idéaux qui ne leur correspondent pas. Ce phénomène est d’autant plus criant encore, lorsque l’entrepreneure est située dans une zone géographique éloignée des grands centres économiques.

Les réseaux doivent-ils changer leur façon de faire ?

À la lecture de ces études, la question ne serait-elle pas : ne faudrait-il pas mieux changer le fonctionnement des réseaux féminins, plutôt que les pratiques des femmes ?

Bien que l’étude ne soit menée que sur des entrepreneures irlandaises, le phénomène de ghettoïsation des femmes semble être commun à toutes. Et ce phénomène menace encore plus les femmes issues des minorités sociales ou raciales, ou issues des zones géographiques à l’économie fragile.

Pour y remédier, le professeur Mc Adam explique que les solutions résident dans l’acceptation de normes différentes, plus « féminines ». Mais surtout, plus adaptées aux réalités de l’économie des petites villes et des zones rurales. Les réseaux féminins doivent donc pouvoir générer du capital social, générer des contacts pour les entrepreneures, où qu’elles soient et d’où qu’elles viennent. Ils devraient leur permettre de trouver des clients, des fournisseurs. Peu importe si les modalités diffèrent des pratiques masculines.

Le professeur Maura Mc Adam, a longtemps étudié les réseaux féminins dédiés aux entrepreneures. Elle en est arrivée à une conclusion sans précédent : les réseaux favoriseraient la ghettoïsation des femmes. La solution serait-elle vraiment de changer le fonctionnement des réseaux féminins ?

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