Sandrine Kauffer-Binz est la fondatrice des magazines Good Alsace ( 2018 ) et Les Nouvelles Gastronomiques ( 2009 ). Deux magazines, spécialisés dans la gastronomie française. Après être partie de zéro et s’être mise à son compte, elle décide de créer un nouveau marché, en associant le journalisme au web. Témoignage.
1- Sandrine, vous êtes la fondatrice des magazines « Good Alsace » et « Les Nouvelles Gastronomiques ». Pourquoi vous être lancée dans la presse culinaire et gastronomique ?
C’est un concours de circonstances et d’opportunités ! ( sourire ) Il n’y a pas de raison évidente, en réalité. Sauf peut-être… J’ai toujours voulu être journaliste ( sourire ). Ça me plaisait beaucoup ! L’investigation, par exemple, m’a toujours attiré. C’est d’ailleurs, ce que j’ai retrouvé avec mon Master : enquêter, poser des problématiques et y répondre. C’est cette façon de faire, qui me plaisait beaucoup ! Ensuite je pense que, lorsque l’on a envie de savoir, de transmettre, d’écrire et de partager, le journalisme devient vite la réponse à votre question. ( sourire ) La Gastronomie, en revanche, je ne l’ai pas choisi. C’est plutôt l’inverse ! ( rires ) C’est sans doute le fait d’être avec un chef, qui m’a indirectement conduit vers ce sujet ! C’est pour ça que je parlais d’opportunités ou de concours de circonstances.
À mon sens, ce sont les rencontres de la vie qui nous façonnent. Je suis persuadée que c’est pour ça aujourd’hui, que je suis à mon compte ! Après pourquoi la presse écrite ? Sans doute parce que j’avais déjà écrit des ouvrages en politique et qu’au fond, je suis une vraie littéraire. ( rires ) Les livres, les magazines, tout ça, ça me fait vibrer !
Du coup, pourquoi avoir sorti le web avant le print ( papier ) ?
Tout simplement parce que c’est un coût entreprise. Les coûts sont très importants dans le print. En démarrant avec le print, je ne serai pas partie avec la même sérénité. Alors qu’avec le web, je n’ai pas eu besoin d’emprunter pour entreprendre.
2- Justement, est-ce que ça été facile de vous faire une place sur le marché de la presse ? En tant que magazine web et print spécialisé ?
Pour le web, je dirai que ça été plus facile. ( sourire ) Je n’avais pas trop de concurrence ! Mes concurrents étaient des blogs mais ils commençaient tout juste à naître. Le terme d’influenceur n’existait pas encore ! Et la presse spécialisée, encore en version papier. Tous les jours donc, je publiais des articles, des recettes et de l’information. J’essayais d’en vivre, en vendant des espaces publicitaires. Offres qui jusque-là, n’existait pas ! On était tout juste aux prémices du 2.0. ( sourire )
Donc est-ce que j’ai été bien acceptée ? Je dirais oui ! Surtout que mon journal web est gratuit. Rien que pour ça, j’étais très bien acceptée ! ( rires ) Concernant ma légitimité, c’est pareil. À l’époque, je pigeais pour des journaux. D’un point de vue journalistique, du coup, cela ne dérangeait personne.
Et du coup, est-ce qu’il y a eut cet amalgame entre votre site et les blogs naissants ?
Effectivement ! Ça pose toujours un problème de crédibilité mais il faut savoir bien préciser ce que l’on fait. ( sourire ) Ce n’était pas un loisir et je n’étais pas blogueuse. Après, j’évite de tomber dans la différenciation ! Que ce soit un blog ou un site, pour moi, ça n’est pas discriminant. Tant que celui-ci reste professionnel ! Dans la mission de blogueuse, il y a celle de parler à la première personne du singulier, de raconter son expérience. C’est, finalement, quelque chose de personnel, voire d’intime. Alors que moi, j’avais un ton neutre, distancié et journalistique. À la limite, la différence se fait ici.
Et pour la version papier ?
Je n’ai pas eu de problème non plus ! ( sourire ) Tous mes confrères alsaciens m’ont invité dans leurs médias, pour parler et annoncer la sortie du magazine. C’était un très bon accueil ! ( sourire ) Je savais pourtant qu’il y avait des problèmes financiers dans tout le secteur de la presse papier. Mais ce qui m’a rassuré, c’est que je ne partais pas de zéro. J’avais un réseau ! Donc, si vous faites un bon produit, à un prix raisonnable, avec une étude de marche complète, que vous avez du réseau et de l’expérience dans le domaine, il n’y a pas de raison que ça ne fonctionne pas. ( sourire )
3- Et est-ce qu’en tant que femme, ça été facile de s’immiscer dans le milieu de la gastronomie ? Un milieu qui reste, encore aujourd’hui, un secteur très masculin.
Bien sûr ! Je dirais même que c’est plus facile de s’immiscer dans ce milieu-là, lorsque l’on est une femme. Au contraire ! ( sourire ) Je trouve que, quand on est une femme, les portes s’ouvrent en grand. La difficulté, peut-être, est de se faire respecter pour ses compétences professionnelles et son sérieux ! Il faut que le professionnalisme soit reconnu.
Pour moi, c’était facile ! ( sourire ) Je connaissais déjà certaines personnes. En étant avec un chef depuis 26 ans, il va de soi que je connaissais aussi du monde ! J’avais donc quelques entrées ! J’étais d’ailleurs, identifiée comme la femme d’un cuisinier. Je n’étais donc plus une inconnue. Par ailleurs, beaucoup savaient que j’avais déjà travaillé dans la profession : à l’auberge de l’Ile, qui est une grande maison et où, j’étais à la réception ; au Martinez à Cannes et à l’Auberge Artzenheim. Je savais donc de quoi je parlais. Non seulement pour l’avoir vécu de l’intérieur mais aussi pour l’avoir exercée. Après, je ne me suis pas posée plus de questions que ça ! J’avais vraiment envie de réaliser ce projet ! J’y suis allée avec toute ma franchise car j’étais ravie de m’intéresser à eux. Et de faire en sorte que les lecteurs s’intéressent à eux, de la même façon ! ( sourire )
4- Justement, comment fait-on pour garder le cap, lorsque l’on part de presque zéro ?
Je ne sais pas trop ! Je pense que lorsque l’on entreprend, que l’on a bien analysé son projet, que l’on a posé sa viabilité économique, il faut tout simplement y aller ! Il faut foncer, sans se poser non plus trop de questions. Je pense vraiment que quand on entreprend, il vaut mieux partir de son capital réseau ou familial, et de ses compétences. Plus que de partir de zéro ! Il est important de bien choisir son secteur et son activité. Une activité où l’on a vraiment de l’appui. C’est ce qui aide à être acceptée et qui donne une certaine crédibilité !
Au début, – et c’était peut-être là le piège ! -, je ne faisais que ce qui me plaisait : interviewer, écrire, faire mon article et le publier. Voire attendre les clics. J’adorais ça ! Je me nourrissais des histoires des personnes que j’interviewais ! De leurs expériences ! Mais à un moment donné, ce n’était plus suffisant. Il fallait que les finances, rentrent. Comme me l’avait dit mon beau-père : « Sandrine dans l’entreprise, c’est 70% de ton temps doit être dédié à la recherche d’argent ». Et la prospection, c’est la partie invisible de notre métier. Comme la visibilité d’un média dépend de ses contenus et de ses publications, il est normal d’avoir envie de faire ce qui est visible ! Faire ce pourquoi, on nous félicite. On se nourrit d’ailleurs, de ces retours positifs sur notre travail, à défaut d’avoir de l’argent. La prospection, à l’inverse, n’est pas aussi gratifiante ! Jusqu’au jour où j’ai compris que je n’allais pas chercher de l’argent mais que j’apportais quelque chose aux autres. C’est ce qui a fait la différence !
5- Si vous aviez un conseil à donner à des femmes qui, comme vous, souhaiteraient se lancer dans le secteur de la presse, quel serait-il ?
D’aller chercher la nouveauté : le web, aujourd’hui, est un univers d’opportunités. Par contre, c’est comme un entonnoir : tout le monde ne peut pas y arriver. Il faut vraiment être différenciant ! Il faut avoir LA bonne idée ! Celle qui fera la différence et sera pas le énième journal. Avant d’entreprendre, je pense qu’il faut surtout se poser les bonnes questions. Ça évite des drames ! Il faut vraiment se tester et se connaître soi-même !