Mélanie Alcaras est architecte et décoratrice d’intérieur. Fondatrice de “Poësie intérieur”, à Courbevoie, elle est un peu le Tinder des intérieurs. Faire matcher l’histoire des lieux avec l’histoire des futurs propriétaires se fait en un coup de maroufle. Son but ?Construire de véritables écrins pour ses clients. 

1- Mélanie, pourquoi est-ce important pour toi de ne pas effacer l’histoire du lieu, des futurs propriétaires et de ne pas repartir d’un mur blanc ?

Je pense que cela vient de mon ancienne vie professionnelle (sourire). J’ai travaillé 12 ans dans la promotion immobilière. Je ressentais de plus en plus de frustration à livrer des logements tout blanc aux clients. J’avais cette envie de les aider et de les accompagner dans un projet clé en main. J’ai donc réalisé mon rêve en 2020 : devenir architecte et décoratrice d’intérieur. 

J’avais besoin de mettre plus de sens dans mon métier, de créer de la valeur, de partager ma passion et mon savoir-faire. Cela s’inscrit au-delà d’une simple prestation de service pour faire de jolis intérieurs. Il faut comprendre qu’une maison est plus qu’un simple abris, elle nous élève émotionnellement et spirituellement. Les intérieurs sont des prolongements de nous-même. Ils reflètent nos émotions et nos sentiments. Ils ont donc un impact sur nos vies au sens large. 

D’ailleurs, je suis quelqu’un de très sensible aux énergies, aux couleurs, à la lumière et au bien-être. Je veux toujours créer des lieux de vie inspirants et ressourçant pour mes clients. Et cela, je l’inscris dans la vieille pierre (sourire). 

Ce sont des lieux qui sont présents depuis des années, voire des millénaires, qui ont une histoire à raconter. On doit alors les prendre en compte lorsque l’on compose un projet. Nous devons faire la synthèse entre l’histoire du lieu et l’histoire de nos clients, afin de créer une scène harmonieuse. Si les choses sont faites de manière décoléré, malheureusement, ni l’énergie, ni l’âme qui se dégagent du lieu ne “matcheront” avec les envies des clients.

2- Comment réussis-tu à faire “matcher” l’ensemble ?

Mon métier est très intuitif, s’en est même difficile à décrire. Tout passe par l’émotion, la sensation. Je suis dans un métier créatif, les énergies je les reçois de toute part. Je m’enrichis par mon quotidien, la nature, les visites, l’art… Généralement, il y a tout un tas de choses et d’émotions qui me parcours quand je visite un lieu. Une fois chez moi, je travaille tout cela pour ensuite les mettre sur papier et les restituer aux clients, en lien bien sûr, avec leurs envies. Ma mission, au final, est de relier deux histoires de vie.

3- Au final ce que tu proposes, c’est d’aller à l’encontre des standards des magazines de déco ?

Oui, complètement (sourire) ! Je dis toujours à mes clients que je vais leur faire un superbe intérieur mais qui ne ressemblera pas à la dernière couverture du magazine déco. Même si la décoration est très bien faite, le coté minimaliste et épuré accentue le manque d’âme. Cela manque de vie. C’est, à mon sens, l’antithèse d’un foyer. 

Aussi je préfère composer des scénographies qui sont en lien avec l’ADN de mes clients et celle du lieu qu’ils acquièrent. Je veux leur construire des espaces qui reflètent leur identités. Ma créativité va donc au-delà de ce que l’on peut trouver dans les magazines. Bien sûr, je suis les tendances et je m’en inspire mais ce n’est pas le coeur de mon métier. 

J’ai une patte très éclectique. J’aime mélanger l’ancien et l’actuel. J’adore, par exemple, quand des clients me disent qu’ils ont de la décoration de famille mais qu’ils ne savent pas comment les intégrer dans leur décoration d’intérieur. Je pars alors de ces objets pour créer des scènes complètes. (Sourire)

4- En quoi l’Histoire est-elle de nos jours, encore plus importante ?

L’Histoire est emprunte de notre histoire. Lorsque mes clients achètent un bien, c’est avant tout pour l’histoire qu’il raconte. Ensuite, ils font appel à moi pour que je raconte la leur. 

Ce que j’aime le plus dans mon métier, c’est de découvrir les matériaux qui ont pu être juxtaposés au fur et à mesure des rénovations. Je suis un peu comme une archéologue, je découvre des traces de vie qui se sont superposés au fil des années. Je devine des histoires dans l’Histoire. C’est un moment excitant et emplie d’émotions (sourire). Laisser sa trace, surtout aujourd’hui en période de conflits, est important.

5- Si tu avais un conseil à donner à des femmes qui oeuvrent pour leurs convictions, qu’est-ce que tu leur dirais ?

De s’écouter et de se faire confiance. Si elles ont un projet passion, elles doivent se battre pour le mettre en oeuvre et le faire éclore. Se sentir bien avec soi-même est indispensable aujourd’hui, même s’il n’y a pas de schéma conventionnel. C’est ma philosophie de vie. Désormais, je me lève avec le sourire, sans regretter mon choix d’être indépendante, pour travailler en accord avec mes valeurs. Je procure du bonheur aux gens, je fais un métier inspirant, cela favorise mon équilibre de vie pro et perso. Si tu es bien dans ta vie professionnelle, cela participe forcement à ton bien-être personnel. Surtout quand tu as un bel intérieur (rires).