Marie Rousselet est la fondatrice et dirigeante d’Entre’Elles webzine. Après 8 années à comprendre le milieu de l’entrepreneuriat, elle a créé en 2019 un magazine web spécialisé dans le business féminin. Un support digital et gratuit pour aider les femmes à oser parler d’elles. Contrairement aux idées reçues, les femmes se mettent moins en avant, ce qui a des conséquences sur la pérennité de leur entreprise. Mais la bataille va encore plus loin… .
1- Marie, tu travailles dans l’ombre du webzine depuis 4 ans maintenant, qu’est-ce qui t’anime dans le sujet de l’entrepreneuriat féminin ?
C’est une question assez large (sourire) ! Ce qui m’anime dans la gestion d’Entre’Elles webzine et le sujet de l’entrepreneuriat féminin, c’est la diversité de sujets. Contrairement à ce que l’on pourrait penser, nous ne travaillons pas qu’à la délivrance d’information et à la médiatisation des femmes. Cela va bien plus loin ! Nous luttons d’un point de vue sociétal sur une meilleure prise en compte de la femme dans le domaine du business, d’un point de vue économique sur la posture d’entrepreneur et les problématiques qui en découlent et d’un point de vue humain, sur la conscientisation de leurs compétences et de leurs savoir-faire. C’est un combat qui va au-delà du métier de journaliste. C’est un combat que j’ai décidé de mener à mon échelle et avec mes moyens. Il n’est pas parfait mais il a le mérite d’exister et d’aider les femmes (sourire).
2- Quels sont les prochains axes sur lesquels vous travaillez ?
Nous avons décidé cette année, de travailler à plus de simplicité. Je crois que c’est notre mot (rires) ! Déjà sur le webzine, nous avons apporté quelques changements avec une plateforme unique pour les lecteurs et les collaborateurs. Plus besoin de fermer « virtuellement » un magazine pour aller chercher l’information sur une autre édition, tout est au même endroit !
Ensuite, nous allons mettre l’accent sur des projets spécifiques : la sensibilisation à l’entrepreneuriat par divers événements ; le soutien aux entrepreneures dans leur posture entrepreneuriale pour les aider à péreniser leur entreprise et à avoir les bons réflexes. Il ne faut pas oublier que la plupart des femmes se lancent avant tout en micro-entreprise. De fait, on ne leur délivre pas de formation pour devenir entrepreneure, ni même d’explications sur la gestion de leur entreprise. C’est là, à mon sens, le véritable problème ; sur l’écosystème entrepreneurial, notamment pour alléger les problématiques des chefs d’entreprise sur le terrain. La question financière est notre sujet de l’année mais je ne peux pas vous en dire plus pour l’instant. Les informations sortiront courant septembre (sourire). Enfin, je travaille à une licence de marque pour ouvrir d’autres éditions en région mais aussi, à l’étranger.
3- Dans un monde où la technologie permet davantage de se « montrer », pourquoi les femmes osent-elles moins que les hommes ?
C’est un biais de genre. Educatif, à mon sens. La plupart des entrepreneures (30-40 ans) sont issues d’une éducation genrée où « prendre de la place » est plutôt réservé aux garçons. Quand vous avez cet enseignement qui vous suit toute votre scolarité, il est donc normal de le conscientiser et de ne pas oser. C’est comme cela que l’on se retrouve, dans le salariat, à ne pas oser demander une augmentation ou un poste. Dans l’entrepreneuriat, qu’on n’ose pas « afficher » sa solution ou son savoir-faire.
Dans les médias, c’est équivalent. Même si aujourd’hui le changement est amorcé (nous devons le saluer), il n’y a pas pour autant assez de représentations féminines qui permettraient aux femmes d’oser prendre la parole. Et c’est bien dommage car la communication est mathématique : plus vous parlez de vous, plus vous gagnez en notoriété, plus vous vendez.
Donc quand vous avez un cocktail sociétal qui ne laisse pas de place à la femme – ou très peu ! – pour s’exprimer, vous avez forcement des biais cognitifs et des croyances limitantes sur le fait de le faire. Et au final, vous vous retrouvez à être votre propre bourreau.
4- Pourtant, être médiatisé rapporte ? On le voit tous les jours. Qu’est-ce qui bloque ?
Nos propres jugements. Une femme va plus facilement se dire que si elle prend la parole, elle sera jugée. Le regard des autres est un frein constant dans l’entrepreneuriat féminin et à tous les niveaux : sur les services, la tarification, le fait de dire « non » à un client, la vie familiale, … Alors prendre la parole pour, ne serait-ce que montrer la solution que l’on a créée, peut vite déstabiliser et faire perdre confiance en soi.
Moi, la première ! Mon métier est de visibiliser les femmes. Pour autant, ce n’est pas un exercice que je pratique sans stress quand je dois passer de l’autre côté (rires). D’autant plus quand vous traitez d’un sujet féminin et que vous gérez une société. C’est comme si le droit à l’erreur était nul ! La Covid n’a pas aidé les entreprises féminines. Parler des échecs, des erreurs, des rebonds, d’argent sont des tabous supplémentaires quand vous êtes une femme.
5- Si tu avais un conseil à donner à des femmes qui souhaiteraient oser l’aventure de l’entrepreneuriat, qu’est-ce que tu leur dirais ?
D’oser : Oser parler d’elles, oser parler de leur projet, de leurs envies, de leurs problématiques,… . C’est une chose importante pour les femmes mais aussi, les futures jeunes filles de notre société. Plus nous serons nombreuses à oser prendre la parole, à oser montrer notre expertise, nos solutions, plus cela deviendra « normal » de la prendre. Je rêve d’une chose, qu’Entre’Elles webzine ne soit plus. Cela voudrait dire que nous aurons progressé dans les rapports humains et sociétaux. Cela signifierait que la femme a enfin prit la place qu’elle mérite.