Manuela Ara : « Les associations sont les grandes oubliées de la crise ! »

juillet 20, 2020

Manuela et Dady ont décidé de créer en 2015 Art is Live, l’unique association de danse de Choisy-le-Roi, dans le Val-de-Marne. Cette école, qui propose plusieurs cours de danses latines, académiques et bien-être, était à son apogée lorsque survint la crise du Covid-19. Sous forme associative, Art is Live n’a donc pu bénéficier des aides financières de l’État. Une catastrophe, tant sur le plan financier que sur le plan humain, pour cette structure qui prévoyait d’aller encore plus loin dans leur développement.

1- Comment avez-vous vécu la crise chez Art is Live ?

On a été très surpris ! (sourire) Je pense, comme une bonne partie de la population française. Lorsque l’on nous a parlé de confinement, de virus dévastateur, c’est vrai que cela a été un gros coup dur pour nous. D’autant plus que cette année, nous avions déjà été impactés par les grèves…

Avant le confinement, nous avions prévu un gros festival, au Pavillon Baltard de Paris, sur Haïti et la Caraïbe. C’était un projet sur lequel nous avions travaillé pendant un an, pour que tout soit parfait le jour J. Avec la crise, tout notre rêve s’est effondré ! Moralement ça été très dur ! Et encore aujourd’hui, même si l’on sait que nous pouvons décaler notre événement à 2021. Tout l’investissement que ce festival nous a demandé s’est vu partir en fumée. Cela a réellement eu un impact financier, mais aussi humain, sur nous !

Ensuite, il y a eu la fermeture de l’école. À l’époque, il fallait déjà assumer l’échec du festival mais là encore, il a fallu encaisser la fermeture de l’école à cause des risques sanitaires. Ce qui a été doublement difficile pour nous ! À ce moment-là, nous étions confrontés à une situation sans réelles solutions : sous quelles conditions nous pourrions rouvrir, avec quelle organisation et avec quelles mesures sanitaires à mettre en place… ? Nous ne savions pas non plus, comment les adhérents allaient le prendre. Notamment pour la partie financière ! On s’est donc posés beaucoup de questions. Questions qui à l’heure actuelle n’ont pas toutes une réponse !

2- Du coup, est-ce que vous vous êtes sentis accompagnés par la FFD (Fédération Française de Danse) et l’État pendant cette crise ?

Dans un premier temps ce qui nous a rassuré, ça été le discours du Président. Nous partions à la base, plus sereins. Ensuite, nous avions eu connaissance d’un prêt bancaire pour les entreprises et les associations. Donc pour nous, nous étions sauvés ! (sourire)

Or la banque ne nous a pas fait de prêt, sur le seul critère du statut juridique : comme nous sommes une association, nous n’en avons pas le droit. Ce qui a été un autre coup dur pour nous car nous louons notre bâtiment. Nos charges ont donc été repoussées mais pas enlevées ! Aujourd’hui, nous en sommes à 3 ou 4 mois de loyers décalés et 3 à 4 mois de charges dues, alors que nous ne pourrons réellement rouvrir qu’en septembre. Ce qui nous fait 6 mois sans activité, avec des charges qui, elles, continuent de tomber. Donc là, on a clairement besoin d’aide !

3- Mais en tant que professeurs de l’association, est-ce que vous avez le droit à des subventions ?

Non ! Du moins, pas pour le moment. Nous vivons sur le fil du rasoir car nous n’avons pas d’aide pour vivre. On essaie de s’en sortir comme on peut mais c’est très compliqué. Pareillement avec un prêt. Nous ne souhaitions pas nous mettre en « danger », tout en sachant que la rentrée scolaire – si rentrée, il y a bien ! – serait à perte. C’est un trop gros enjeu !

Aujourd’hui, l’orage commence à passer. Nous sommes en pourparlers avec les nouveaux conseillers de la mairie de Choisy-le-Roi. Nous pourrions bénéficier d’aides et de subventions mais rien n’est encore fait !

3- Est-ce que vous diriez que vous êtes des « oubliés » de la crise ?

Oui, clairement ! Pendant le confinement, et encore aujourd’hui avec la crise que traverse le pays, j’ai l’impression que nous ne sommes pas considérés. Que ce soit en tant que professeurs indépendants ou bien, en tant qu’association… Les informations sont floues. J’ai l’impression que nous avons été oubliés pendant le confinement ; délaissés par la FFD qui n’a pas vraiment su nous donner des lignes de conduites précises, même si nous ne sommes pas fédérés chez eux ; et invisibles auprès de l’État.

À l’heure actuelle, nous savons que nous pouvons légalement rouvrir les portes de l’école de danse. C’est déjà bien ! Mais dans quelles conditions, avec quelles rigueurs sanitaires, à combien par classe et avec quelle organisation, là ça reste encore énigmatique ! Ce sont des questions qui restent en suspens.

4- Qu’est-ce qui, au final, vous a le plus tiré vers le bas et comment comptez-vous rebondir ?

Là clairement, on ne peut pas rembourser tout le monde ! Sinon, on met la clé sous la porte. En revanche nous allons procéder pour les anciens adhérents, à des gestes commerciaux. Notamment lors des inscriptions de cette nouvelle année. Après, et au-delà du côté financier, ce qui nous a vraiment tirés vers le bas, c’est le moral.

Depuis la création de l’école, donc 5 ans, nous ne « vivons plus ». (sourire) Nous ne comptons pas nos heures pour ce projet. Nous donnons tout ce que nous pouvons, pour que cela fonctionne. On a énormément sacrifié. Et puis, la Covid est arrivée et hop ! C’est comme-ci nous avions tout perdu ! C’est très dur moralement !

En tout cas ce qui est sûr, c’est que l’année prochaine si nous rouvrons, nous ferons différemment. Nous serons préparés aux éventuelles fermetures, préparés pour de futures crises, et nous saurons trouver des moyens de nous réinventer : avec les cours en ligne, par exemple.

5- Si vous aviez un conseil à donner à des jeunes qui souhaiteraient se lancer dans le milieu associatif, d’autant plus avec la crise que vous venez de traverser, quel serait-il ?

De garder la foi : vraiment de garder envie, de continuer de croire en son métier et en son projet. Il est très important de se donner les moyens et de ne rien lâcher. Il y a beaucoup d’obstacles dans la création d’une association mais il faut les prendre comme des challenges et avancer. Même si ces jeunes entrepreneures doutent, il est important qu’elles gardent l’envie. L’entrepreneuriat est une voix que l’on choisit. Ce n’est certes pas une voix simple mais elle est, au final, très gratifiante ! La liberté n’a pas de prix selon moi. Et ici, le jeu en vaut la chandelle (sourire).

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