Julien Knoepflin est chargé de l’accompagnement des professionnels auprès de la Fondation CRESUS. Une Fondation nationale qui vient en aide aux personnes en situation de fragilité, notamment sur la partie endettement. Responsable du pôle entrepreneur, il explique l’urgence de soutenir les micro-entreprises dont les demandes d’aides ont explosé. Pour lui, la frontière entre la vie personnelle et professionnelle de ces entrepreneurs est trop poreuse. Elle augmente significativement le risque d’échec.
1- Quelles sont les actions actuelles de la Fondation CRESUS pour les professionnels ?
La Fondation CRESUS est plus connue pour accompagner les particuliers en difficultés financières : endettement, gestion des budgets, organisation… . Toutefois ces derniers temps, nous rencontrons de plus en plus de profils de particuliers en micro-entreprise. Partant de ce constat, nous avons mis en place des dispositifs particuliers pour les accompagner. C’est le rôle du pôle entrepreneur : accompagner sur le plan privée et professionnel en même temps.
Nous accompagnons majoritairement les micro-entrepreneurs car ce sont les profils les plus à risque et les moins accompagnés. Nous les conseillons dans le développement de leur entreprise et dans la gestion des leurs difficultés financières.
2- Et concrètement, comment les aidez-vous ?
Notre objectif est d’intervenir le plus en amont possible de la crise, afin d’éviter la fermeture de la structure. Dans les premiers temps, ce sont nos partenaires (bancaires souvent) qui nous mettent en relation.
Nous commençons alors par réaliser un bilan de situation : sur l’activité mais aussi, sur la sphère personnelle de l’entrepreneur. Il faut savoir que pour les micro-entreprises, le privée et le professionnel sont étroitement liés. Il est donc essentiel d’avoir un maximum d’information, afin de proposer les meilleures recommandations possibles.
Une fois que ce bilan est fait, nous hiérarchisons les différentes problématiques par ordre de priorité. C’est là que notre regard de professionnel est le plus important. Il arrive parfois que l’entrepreneur ait une difficulté en tête qui ne soit pas, après étude, la plus urgente à traiter. De fait, nous mettons en place un plan d’actions et nous accompagnons l’entrepreneur pas à pas. Ainsi, et selon les difficultés rencontrées, l‘accompagnement peut durer de quelques semaines à quelques années.
3- Pourquoi est-ce si important d’aider ces chefs d’entreprise ?
Le fait qu’il y ait beaucoup de créations d’entreprise augmente les situations d’urgence, d’endettement et de cessations d’activité aux dégâts plus ou moins importants. L’exemple le plus courant est le surendettement consécutif au recours au crédit à la consommation. Pour peu que le conjoint gagne confortablement sa vie, toutes les charges du ménage reposent alors sur un seul et unique salaire. C’est là que les problématiques surviennent. Aussi, l’idée à travers cet accompagnement est de minimiser la casse et de permettre à l’entrepreneur de rebondir sereinement.
Aujourd’hui, créer sa micro-entreprise est facile. Sa gestion, elle, n’en reste pas moins une épreuve. En plus de cela, et au regard de notre société, être en micro-entreprise n’est pas considéré comme un vrai statut professionnel. Il n’y a pas de bilan. La crédibilité des entrepreneurs est donc sans cesse remise en cause. Surtout auprès des banques.
4- Est-ce qu’il y a un facteur, seul ou multiple, qui fait que les micro-entreprises sont plus fragiles ?
Le facteur principal est le manque de préparation et d’anticipation des risques. Certains entrepreneurs s’endettent pour mener à bien la gestion de leur entreprise et de leur train de vie. Et c’est là tout le problème : lorsque vous êtes en micro-entreprise, vous pouvez faire une demande de financement sans justificatif. Pour une société, il faut justifier de postes de dépense et de l’investissement. L’endettement n’est donc pas le même.
Certaines personnes ont aussi du mal à se rendre compte de l’enjeu intégral de l’entrepreneuriat. La posture entrepreneurial est plus difficile. Ce qui a un impact direct sur la gestion financière de leur entreprise.
Les femmes, par exemple, ont tendance a minimiser les besoins en fonds de roulement de leur entreprise. De fait, il est vrai que leur endettement est plus maitrisé. Mais un mauvais cadrage initial de leur activité leur fermera les portes de toutes autres demandes de financement futures. La solution ? Se tourner vers du micro-crédit.
5- Est-ce qu’avec la crise Covid, la Fondation CRESUS a mit en place de nouvelles actions ou services pour les entrepreneurs ?
Les actions de la fondation CRESUS sont assez larges.
Dans un premier temps, nous transmettons nos informations terrains à nos partenaires. Prendre conscience des difficultés des entrepreneurs permet d’anticiper les risques. Dans un second temps, nous travaillons sur des plaidoyers institutionnels car cela devient urgent pour les micro-entrepreneurs d’être mieux protégés. Enfin auprès des entrepreneurs, nous proposons des ateliers “Dilemme Entrepreneurs”. Ils ont été créés pour sensibiliser aux enjeux de l’entrepreneuriat. En atelier de 3h, avec un animateur, ces derniers permettent de mieux comprendre la vie d’une entreprise et de sa gestion (les assurances, la gestion du temps, la rentabilité…).
6- Quel conseil donnerais-tu à des entrepreneures ?
De se faire accompagner : il est important de bien préparer son projet, de le mûrir, d’en discuter et d’anticiper l’imprévu. Mais pour moi le plus important, c’est de se faire accompagner. La différence est palpable entre les entrepreneurs accompagnés et ceux qui ne le sont pas. Malheureusement dans les faits, il y a encore trop peu de micro-entreprises qui bénéficient de ces accompagnements. Pourtant, cela fait poids dans la vie d’une entreprise. Ne serait-ce que pour contracter un prêt bancaire ! Donc si j’ai un conseil à donner, c’est de se faire accompagner. A tous les stades de l’entreprise. Enfin, je dirai aussi d’oser dire lorsque cela ne va pas. Il faut dédramatiser l’échec et surtout, le prendre en temps et en heure pour bien rebondir. Il faut savoir se mettre des alertes. Le pire pour un entrepreneur, à mon sens, serait de se mettre des œillères et de continuer lorsque l’entreprise n’est pas rentable. Il vaut mieux savoir s’arrêter à temps plutôt que de sombrer.