Laurence Van Accoleyen est la fondatrice de ABC Sobriété. Un accompagnement en ligne pour aider les femmes, à des postes à haute responsabilité, dans leur dépendance à l’alcool. Car oui, boire est aussi une affaire de femmes ! Entre mimétisme, charge mentale et décisions stratégiques, l’alcool reste une solution de repli. Pour Laurence, ancienne dépendante, l’urgence est de pouvoir accompagner ces femmes en toute bienveillance, sans jugement, avec des solutions concrètes et autonomes.
1- Laurence, que dire de l’alcoolisme et des entrepreneures ?
Il y aurait beaucoup à dire (sourire) ! Le problème c’est qu’aujourd’hui, le sujet de l’alcool et des entrepreneures est encore plus tabou que le sujet de l’alcoolisme lui-même. Soit on évoque quelques chiffres sans rentrer dans le fond du sujet, soit on en parle avec cette étiquette de “sujet tabou”. Aucune donnée statistique n’a été faite. Pourtant, c’est un sujet qui mérite d’être traité. Surtout dans la sphère de l’entrepreneuriat féminin.
Ce manque d’information est la résultante de comportement déviant : la plupart des personnes qui sont touchées par un problème de dépendance, ont généralement le réflexe de se cacher. Elles ne veulent pas être vues et font en sorte, de ne pas l’être. Le sentiment de honte et de culpabilité sont très présents lorsque vous êtes addictes. J’en sais quelque chose. Donc pour résumer, comment parler du sujet de l’alcool chez les entrepreneures si de base, vous n’avez aucune possibilité de l’observer ?
Et les représentations collectives n’aident en rien ! Dans notre inconscient collectif se sont surtout les hommes qui sont dépendants. Pas les femmes… ou rarement. Des archétypes préconçus de personnes qui ont sombré dans l’alcoolisme et qui ont tout perdu. Personnellement comme professionnellement. Or, on peut être dépendants et avoir tout réussi (sourire).
2- En quoi, concrètement, la dépendance à l’alcool est-elle plus difficile à déceler chez les femmes que chez les hommes ?
Le sujet de la dépendance chez les femmes est effectivement, beaucoup plus difficile à déceler. Socialement, il peut être encore admis pour un homme de boire. Ce qui est nettement moins le cas pour une femme (sourire). Merci les biais de genre ! Du coup, la plupart des femmes dépendantes vont avoir tendance à se cacher. Elles feront en sorte de ne pas le montrer. Et elles maitrisent cet art de la dissimulation à la perfection (sourire) ! Elles peuvent se cacher pendant très longtemps, tant qu’elles ne sombrent pas dans l’alcoolisme.
Le cercle est très vicieux ! Sans une demande d’aide de leur part, leur entourage peut complètement passer à coté de cette dépendance. Or, l’entourage est un grand soutien dans es moments-là. C’est un pilier essentiel pour les entrepreneures… Tant que le soutien est donné avec bienveillance.
Par contre, ce n’est pas à l’entourage de faire quelques chose. Tant qu’il n’y a pas d’acceptation de la dépendance par la dépendante, rien ne peut changer.
3- Peut-on se sortir de l’alcoolisme ?
Avant toute chose, j’aimerais expliquer la différence entre “alcoolisme” et “dépendance”. Ce sont, contrairement à ce que l’on pourrait penser, des stades différents. Pour schématiser, il existe 4 stades de dépendance reconnus :
- la consommation occasionnelle, dans un cadre familial ou au travail ;
- la consommation malsaine de l’alcool. Premier pas vers la dépendance ;
- la dépendance, dont nous parlions tout à l’heure ;
- l’alcoolisme qui a un impact sur votre vie personnelle et professionnelle.
Ainsi pour se sortir de l’alcoolisme, il faut donc impérativement faire une demande auprès d’un addictologue ou d’un médecin spécialisé.
Enfin pour se sortir de la dépendance, d’autres possibilité existent comme les associations, les médecins, rejoindre les alcooliques anonymes (si cela convient) ou se faire accompagner avec un programme personnalisé et spécifique. C’est ce que nous faisons avec ABC Sobriété.
4- Justement, cette dépendance tu l’as vécue. Est-ce cette expérience de vie qui t’a poussé à créer ABC Sobriété ?
Oui, tout à fait (sourire). ABC Sobriété est une solution pour se sortir de la dépendance. En ce qui me concernais, je n’avais pas trouvé de solution concrète pour m’aider à me sortir de la dépendance à l’alcool. Je ne trouvais pas d’accompagnement qui me correspondait. J’avais envie de quelque chose de moderne et de déculpabillisant, sans que cela soit infantilisant.
Aujourd’hui le programme que nous proposons avec ABC Sobriété, est une réponse à ma propre problématique. Un programme en ligne, en toute autonomie et en toute confidentialité – c’est très important ! Nous avons créé une vraie boite à outils pour accéder à la sobriété.
L’accompagnement se fait à plusieurs niveaux, tous dépendants les uns des autres :
- le programme en ligne a été pensé pour être suivi de manière autonome et discrète. Il suffit d’un ordinateur ou d’un téléphone pour y accéder.
- les bilans de sobriété, eux, ont été créés pour celles qui se posent des questions sur leur rapport à l’alcool et à leur consommation.
C’était essentiel pour moi, d’apporter des réponses concrètes à ces femmes. Cela ne remplace pas une consultation en addictologie, bien sûr ! Cela vient en complément. C’est un 1er pas vers des réponses, sans jugement, ni culpabilité. J’essaie vraiment de proposer une écoute et une véritable bienveillance auprès des personnes qui viendraient nous demander de l’aide.
Je sais trop ce que c’est que d’avoir honte et de culpabiliser parce que l’on boit. Personnellement, j’ai eu beaucoup de mal à demander de l’aide. Qui plus est, je pensais être un cas isolé. Ce qui était complètement faux. J’ai constaté, malheureusement, que nous étions très nombreuses à être dans ce cas de figure. Il fallait donc proposer quelque chose. Au final, mon expérience de vie a été la base des services que l’on propose aux femmes chez ABC Sobriété.
5- Si tu avais un conseil à donner aux entrepreneures, quel serait-il ?
De ne pas se décourager : pour sortir d’une addiction, quelle qu’elle soit, il faut du temps. Et plusieurs tentatives, aussi (sourire). Ce n’est pas parce que l’essai a été fait plusieurs fois, qu’on ne peut pas le transformer. Les échecs ne veulent en rien dire qu’elles n’en sont pas capables. Accepter l’échec et faire preuve de résilience sont des clés pour accéder à la sobriété. Même si l’on a connu la honte et la culpabilité, même si le chemin est long, on arrive à expérimenter autre chose. La honte et la culpabilité se transforment en force ! L’abstinence et la sobriété valent vraiment le coup.