Vanessa Magne est aujourd’hui une cheffe d’entreprise accomplie : cofondatrice de Bits Tailor, qui confectionne des noeuds papillon en impression 3D; fondatrice d’Adorness, un site d’e-commerce de bijoux faits mains, en cuir recyclé. Cette fougue pour l’entrepreneuriat, elle le doit à son frère, Cédric. Grâce à leur collaboration, cette fratrie casse les codes et les préjugés sur la création d’entreprise en famille. Témoignage.
1- Vanessa, tu es cofondatrice de l’entreprise Bits Tailor. Une entreprise de confection de nœuds papillon en 3D. Comment t’es-tu lancée dans ce projet singulier ?
Je me suis lancée dans ce projet, tout simplement parce que le cofondateur de Bits Tailor, est mon frère. A l’époque il m’a parlé de ce projet, qui pouvait sembler un peu fou ( rires ) : créer un nœuds papillon en 3D. Je n’y connaissais absolument rien en impression 3D. Il y a 5 ans, c’était beaucoup moins connu qu’aujourd’hui ! Mais le concept m’a intéressé de suite car j’aime beaucoup la mode. Et puis l’idée aussi : créer des choses, les matérialiser, tout en permettant aux clients d’y mettre une touche personnelle, pour avoir un accessoire de mode unique. Ça m’a séduit !
A cette époque-là, j’étais salariée dans un grand groupe. J’ai donc apporté ma contribution à la création de ce projet, au travers de l’étude de marché, de la définition du persona…. Au point que mon engouement pour ce projet était beaucoup plus marqué, que pour la mission que j’avais, au sein de ce groupe. Je me suis donc dit qu’il fallait que je me lance ! J’ai quitté mon CDI et me suis lancée avec mon frère. On a créé la structure ensemble et on a commencé à développer l’activité ensemble, en se répartissant les rôles.
2- Peut-on dire finalement que la fraternité t’a créé en tant que cheffe d’entreprise ?
Tout à fait ! ( rires ) Comme mon frère a un parcours entrepreneurial de bout en bout, et qu’il vit de ses idées, ça m’a beaucoup rassuré. Le voir avancer, le voir construire ses projets, l’aide fraternelle qu’il m’a apportée, m’ont énormément aidé ! C’était pour moi, une garantie. Ça m’a mise en confiance ! Pour moi, l’entrepreneuriat était quelque chose d’inconnu. Mise à part son expérience, qu’il me partageait en tant que frère, je n’avais jamais vécu d’approche entrepreneuriale. Et c’est vrai que de passer du salariat, avec tout ce que ça englobe, à la création d’entreprise était un grand pas ! Ça m’a énormément facilité les choses, que l’approche soit à l’initiative de mon frère.
3- Aujourd’hui, il existe encore des aprioris sur le business en famille. Qu’en penses-tu ?
Effectivement ! On ne peut pas travailler avec tous les membres de sa famille ! Pour moi, la famille peut être un atout ou un frein, en fonction de la façon dont on mène la barre de notre barque. Un atout parce qu’on partage des valeurs qui nous sont communes, des objectifs communs de réussites. Un frein, lorsqu’il nous est difficile de séparer la vie professionnelle ( la collaboration ) de l’aspect famille ( lien familial ). Il ne faut surtout pas mélanger les deux ! Même si de fait, les deux existent.
Aujourd’hui ce qui fait que j’arrive à collaborer avec mon frère, c’est justement cette séparation : frère/sœur et collaborateurs. Ce sont deux choses différentes !
Ce n’est pas tous les jours évident car parfois, l’affect peut rentrer en ligne de compte. Surtout en ayant ce lien familial là ! Mais on essaie de distinguer un maximum les deux, pour que ça altère le moins possible notre jugement, nos rôles réciproques dans l’activité.
Dans les engagements aussi ! Parfois en travaillant avec la famille, on peut être un peu plus laxiste, moins carrés. Dans notre collaboration, c’est justement quelque chose qu’on a proscrit. On n’a même pas eu besoin d’en discuter ! ( rires ! )
Est-ce difficile de faire du business avec son frère ?
Pas du tout ! Au contraire ! Mon frère a un côté bienveillant, qu’il a avec toutes les personnes avec qui il collabore et ses clients. Il m’a permis de rentrer en douceur dans le monde de l’entrepreneuriat. Pour moi, ça m’a simplifié la tâche ! Peut-être que si j’avais collaboré avec quelqu’un d’autre, la transition salariat/entrepreneuriat aurait été plus compliquée pour moi….
4- Pourquoi avoir créé une deuxième entreprise, mais cette fois-ci, seule ?
(rires ! ) La deuxième entreprise n’était absolument pas anticipée ! C’est une activité de confection de bijoux, faits mains, en cuir recyclé. Cette idée-là m’est venue à l’occasion d’un événement important pour moi : le mariage d’une amie, pour lequel je souhaitais avoir LE bijou, pour être bien assortie. Je ne trouvais rien auprès de créateurs… je me suis dit : » Pourquoi pas me lancer ! « . En créant Bits Tailor, je me suis beaucoup rapprochée des valeurs de la création fait-main et de la valorisation de celle-ci. Elle m’a permise, inconsciemment, de renouer avec ma créativité d’enfance. C’est ce qui m’a amené à Adorness !
Je me suis donc mise à chercher les matériaux dont j’avais besoin. C’est comme ça, que je me suis orientée vers le cuir recyclé. J’ai créé mes premiers modèles, dont le mien ! ( rires ! ). Puis mes amies – qui sont très porteuses surtout quand il s’agit de mode ! ( rires ) – , ont trouvé l’idée géniale. Elles m’ont poussé à faire de cette passion, une activité ! Ayant eu l’expérience e-commerce de Bits Tailor, j’ai donc créé ma boutique en ligne : adorness.afrikrea.com. On m’a ensuite sollicité pour un premier événement, qui a très bien fonctionné. Et depuis 3 ans que j’ai développé cette marque, je continue de créer seule à la main, en partant de matière préexistantes.
N’as-tu pas eu une certaine appréhension, de passer d’un business en collaboration à un business, seule ?
Dans tout ce qui est création et relations clients, absolument pas ! C’est quelque chose que je fais déjà chez Bits Tailor. En revanche, là où c’est plus compliqué pour moi, c’est dans le fait de se mettre en avant. ( rires )
En tant que cofondatrice de Bits Tailor, je ne me suis pas rendue visible. Je suis réservée et timide ! Mais pour Adorness, je n’ai pas eu le choix. Il fallait que j’aille au-devant des choses. Ce qui est important lorsque l’on est créatrice ! Les gens aiment voir qui crée, qui a les idées. Et puis sur les marchés de créateurs, vu que c’est moi qui suis sur les stands, c’est important d’avoir des échanges naturels avec les clients.
J’ai dû apprendre à me montrer physiquement, à partager mon portrait.
Mettre un visage derrière une marque, c’est très important. C’est quelque chose qui génère beaucoup d’engagement. Ça crée du lien avec les clients. Pour ça, mon frère m’a beaucoup boosté ! ( rires ! ) Il m’a beaucoup coaché pour que j’apprenne à me montrer, à montrer ce dont je suis capable et à communiquer sur moi, plutôt que sur la marque en tant que telle, non incarnée.
5- Si tu avais un conseil à donner à nos lectrices, qui souhaiteraient se lancer dans un projet en famille, quel serait-il ?
Se questionner : sur soi et se demander si l’on est capable de faire le distinguo entre la vie familiale et la vie professionnelle. Dès qu’on entreprend avec quelqu’un de sa famille, il faut savoir laisser sur le pas de la porte tout ce qui nous lie au niveau familial, pour mieux se concentrer sur le travail, le business. Il faut vraiment se demander si l’on est capable de mettre tout ça de côté ! Ensuite, il faut foncer et ne pas se poser trop de questions ! ( rires ! )