Virginie Legrand est une ancienne professeure de lettres, aujourd’hui reconvertie en cheffe à domicile. Loin des bancs de l’école traditionnelle, elle a tiré sa force dans son originalité et sa détermination. Aujourd’hui, elle propose une cuisine audacieuse et colorée à ses clients, tout en prônant toujours plus l’authenticité.
1- Virginie, tu es passée de professeure de lettres à cheffe à domicile, sans formation particulière. Comment as-tu trouvé l’audace de sauter le pas ?
C’est effectivement, une aventure très audacieuse (sourire) ! J’étais animée depuis très longtemps par une passion et en arrivant au carrefour de ma vie, j’ai tout simplement eu envie de choisir une autre voie professionnelle. D’ailleurs, ça s’est fait de manière très instinctive et très intuitive. C’est comme si j’avais eu une petite voix qui m’avait chuchoté de me lancer (rires). Du coup, je me suis lancée !
C’est peu commun comme transition professionnelle, surtout dans le domaine des métiers de bouche, est-ce que tu as eu des phases de doutes ?
Très honnêtement, je n’ai pas eu de doute quant à mon choix de reconversion. Par contre, j’en ai eu quant aux clients, aux prestations, à l’argent et à cet inconfort financier que nous impose la création d’entreprise au démarrage. Mais, par rapport à mes lacunes, l’expertise ou à l’importance d’avoir un diplôme… aucun ! Et c’est une prof’ qui vous dit ça (rires) ! Contre toute attente, je n’ai jamais eu peur de me lancer. Même sans la formation. Ça ne m’est jamais passé par la tête. À aucun moment je ne me suis renseignée sur les prix des CAP ou des diplômes. Donc je conçois que ce soit assez dingue comme façon de faire mais pour moi, ce n’était pas un obstacle.
2- Tu es donc une cheffe d’entreprise audacieuse. Est-ce que l’on retrouve cette audace dans ta cuisine ?
Cette audace, c’est un peu mon ADN (sourire) ! C’est quelque chose que l’on retrouve dans ma cuisine. La créativité pour moi, est un élément essentiel de mes propositions de services. Du coup, être audacieuse en cuisine, c’est vraiment briser les codes de la cuisine classique et les schémas d’association attendus. J’aime beaucoup aller au-delà de ça !
Après, qu’on se le dise, je fais aussi de la cuisine classique et traditionnelle. Sans souci (sourire) ! Mais pour autant, j’aime bien twister des recettes en changeant les épices, l’herbe aromatique ou la viande. En fait, je mélange les inspirations. Je fais de la cuisine fusion qui mélange plusieurs nationalités. Je fais de la cuisine audacieuse, libre !… Sauf pour la pâtisserie qui est plus complexe et qui demande des grammages précis. Là, je me limite à switcher les crèmes et les goûts. En fait, ce que j’aime dans la cuisine, c’est le champ des possibles qu’offre ce secteur.
Donc tu prônes plutôt une cuisine colorée et décomplexée ? Une cuisine qui te ressemble finalement.
Carrément (sourire) ! J’aime beaucoup cette idée de cuisine décomplexée. C’est d’ailleurs un adjectif qui me convient très bien (sourire) Je n’ai pas envie, en fait, d’être complexée par mon parcours et le fait que je n’ai pas pris le chemin traditionnel des grandes écoles de cuisine. Ce qui est intéressant dans ce concept, c’est que je ne m’impose aucune limite. Je suis libre et je peux chaque jour me dépasser. Et je pense que j’en ai besoin. J’ai envie de me faire plaisir et de faire plaisir aux clients, en même temps.
C’est donc, une cuisine qui me ressemble beaucoup ! J’ai cette chance d’avoir une pleine adéquation entre ma personnalité, mon tempérament et la cuisine que je dresse. Je pense que ce sont les 3 vecteurs qui font que je m’éclate vraiment dans mon métier. Je ne suis pas dans la retenue. Si j’ai envie d’oser et d’associer des ingrédients, je le fais. Je suis cheffe et donc décisionnaire de mes propres cartes. Je peux me permettre toutes les libertés… et des libertés délicieuses (sourire) !
3- Pourquoi devenir cheffe à domicile plutôt que d’ouvrir ton propre restaurant ?
C’est un peu pareil que ma façon de voir la cuisine (rires) ! En fait, je ne me suis jamais interrogée sur l’ouverture d’un restaurant. Jamais ! Quand je me suis lancée, ce que je voulais, c’était être au plus proche des gens. Une chose que tu fais aussi, dans ton restaurant, avec tes clients en salle. Je ne dis pas le contraire. Mais là, j’avais besoin d’être encore plus proche de mes clients : quoi de plus simple, alors, que de cuisiner chez eux ? J’avais besoin et envie de plus de convivialité. D’être le trait d’union entre les convives d’une maison, par l’art de la cuisine. Ça reste dans la continuité de ma cuisine décomplexée ! Je mesure toutefois que ça peut heurter certains épicuriens.
4- En somme, tu es une cheffe à domicile anticonformiste : tu n’as pas fait les écoles classiques de formation, ta cuisine est décalée et tu permets aux familles d’accéder au bistronomique directement de leur cuisine. N’est-ce pas une façon pour toi de casser les codes de ce métier ?
Complètement ! Et je m’en régale tous les jours (sourire). C’est une satisfaction et une fierté aussi. Finalement, cet univers qui s’est créé avec ma cuisine est atypique. Il sort des chemins battus. J’en suis très fière ! Fière de cette image que je peux renvoyer. Ce qui n’enlève pas les questionnements que j’ai pu avoir sur ma crédibilité ou ma légitimité. Mais aujourd’hui, je sais que ma place est là et que je ne bougerai pas. Pour ceux que ça dérange, c’est tant pis pour eux ! Je pense être moderne, comme femme, comme cheffe, dans ma cuisine… et je n’en ai pas honte.
Serais-tu l’antithèse de la cuisine traditionnelle ?
J’aime bien cette définition (rires) ! Je prends ! Et oui, je dirai ça. Je l’assume à 10 000%. Je suis flattée qu’on puisse le voir et j’ose le dire.
5- Si tu avais un conseil à donner à des entrepreneures anticonformistes ou bien ne rentrant pas « dans les cases » imposées par la société, quel serait-il ?
De rester elles-mêmes et de se faire confiance : il faut écouter sa petite voix intérieure. Rester fidèle à ses convictions, à ses valeurs, à sa philosophie de vie est tout aussi important. Il faut apprendre à se définir soi-même et faire une introspection de soi. Ne serait-ce que pour être en pleine possession de ses moyens. Par contre, il faut savoir rester hermétiques aux jugements pour assumer sa différence. Surtout ceux qui ne sont pas constructifs.
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