Aurélia Minnebois est journaliste de télévision. Elle a travaillé pour des productions d’audiovisuelles, avant d’être confrontée au plafond de verre. C’est cette difficulté, encore trop présente dans ces secteurs, qui l’a décidé à créer son entreprise : 2ADM Productions. Une société d’audiovisuelle institutionnelle. Témoignage.
1- Aurélia, tu es journaliste télévision et la fondatrice de 2ADM Productions. Peux-tu nous expliquer pourquoi tu t’es mise à ton compte ?
J’ai travaillé en télévision, presque 15 ans. J’y ai eu des postes assez différents : journaliste, rédactrice en cheffe, cheffe d’édition… J’ai même été scripte à un moment pour une émission télé ! ( rires ) Donc on peut dire, que je connais vraiment bien le monde de la télévision ! ( sourire ) À l’époque, je ne travaillais pas pour une chaîne spécifique mais pour plusieurs boîtes de production… Mais j’avais pas mal de déconvenues, aussi bien de la part des producteurs, que des rédacteurs en chef. Ces petits trucs qui te font dire : « Pourquoi je fais ça ? Quel est l’intérêt ? » Ça commençait tout doucement à me miner le moral… Puis je suis tombée enceinte de ma première fille. La nouvelle a été très bien accueillie par l’entreprise pour laquelle je travaillais… Jusqu’au moment où ils ont compris que j’allais partir en congés maternités ! On m’a donc gentiment fait comprendre, qu’on ne me reprendrait pas et qu’on me remplaçait par un homme. Cette façon de procéder a été clairement la goutte d’eau qui a fait déborder le vase !
Du coup, j’en ai profité pour me mettre à mon compte et me spécialiser dans la production audiovisuelle institutionnelle. Au bout d’un an d’essai en couveuse et un an en SCOP ( Société Coopérative de Production ), je me suis lancée et je me suis immatriculée. J’ai donc créé mon entreprise, le 1er juin 2016.
2- Est-ce que ce problème du plafond est verre est commun au secteur de l’audiovisuel ?
Je ne parlerai pas au nom de toutes les femmes mais c’est quelque chose que j’entends beaucoup ! Et pour cause, l’audiovisuel et le journalisme sont des métiers très masculins ! Même si aujourd’hui, ces milieux se démocratisent un peu, les postes à responsabilité restent souvent occupés par des hommes… Toutefois, je pense profondément que le plafond de verre n’est pas un problème lié qu’au monde de l’audiovisuel. À mon sens, c’est la condition de la femme, aujourd’hui, dans tous les secteurs d’activité.
3- Aujourd’hui en tant que cheffe d’entreprise, est-ce que tu rencontres encore ce type de problème ou justement, le fait d’être dirigeante t’octroie un tout autre regard ?
Exactement ! ( sourire ) Je n’ai pas du tout cette même impression. Je suis dans le même milieu, sans être vraiment dans le même domaine, puisque je travaille dans le corporate et l’institutionnel. Je fais toujours des contenus vidéo, je mène les interviews lorsqu’il y a des interviews à faire mais je m’appuie au quotidien sur mes équipes ( sourire ). Ma posture est celle d’une cheffe d’entreprise. ( sourire ) J’ai donc cette impression de pouvoir communiquer d’égal à égal ! Il n’y a plus ce décalage entre les métiers. Là, on est vraiment égaux !
Et puis surtout, j’apporte un savoir-faire qu’ils n’ont pas en interne. J’arrive en tant que sachant. C’est vraiment une autre dimension ! J’ai beaucoup plus d’épanouissements à travailler dans le milieu institutionnel, que dans le milieu de l’audiovisuel. ( sourire )
4- Est-ce pour mieux affronter le regard de l’autre, que tu participes aujourd’hui au programme Elles Ensemble, du Comptoir-Incubateur ?
Pas du tout ! ( rires ) En fait, j’ai très vite compris que je n’étais pas une imposteuse. Le jour où j’ai décidé de créer ma société, je me suis dit qu’il n’était plus possible pour moi d’être dans cette position victimaire. J’ai vraiment fait en sorte que toute ma façon de penser, sur moi et sur mes capacités à faire, change. Je me suis aussi entourée de gens qui croyaient en moi et qui m’ont soutenus ! ( sourire )
Du coup le programme Elles Ensemble, je le vois plus comme un tremplin pour développer ma société. J’ai envie de la faire évoluer ! ( sourire ) Et pour ça, il faut que je réussisse à m’associer avec des gens qui ne font pas du tout la même chose que moi. Je m’y suis inscrite vraiment dans l’objectif de trouver des réponses et des objectifs pour faire croître mon entreprise. ( sourire ) Comme c’est un programme d’accompagnement 100% féminin, je me suis dit que ça pouvait valoir le coup de tenter ma chance. ( sourire ) Et aujourd’hui, je me rends compte qu’il y a plein de choses que je n’ai pas faites avant la création de ma société et plein de questions que je ne me suis jamais posées. Grâce aux ateliers, j’arrive à y voir plus clair et à penser mes objectifs futurs.
5- Si tu avais un conseil à donner à des femmes qui, comme toi, se lancent dans la création d’une entreprise audiovisuelle, quel serait-il ?
D’oser être multi-casquettes : on est pas obligées de choisir entre son métier et sa vie ! À partir du moment où l’on a un rêve, il faut s’autoriser à le réaliser. Notre vie personnelle n’est pas un frein à la concrétisation de nos projets propres. Ce n’est pas quelque chose de bloquant. Ensuite, il faut arrêter de croire que l’on est des imposteuses. Malheureusement petites, on nous laisse penser que l’on n’est pas capables ou que l’on ne doit pas… Il faut absolument changer cette manière de penser !