Marion Massot est associée de l’entreprise Alsace Crédits, une agence de courtage immobilier alsacienne. Après des études juridiques et une carrière en banque, elle décide de prendre les rênes de sa vie et de tenter l’aventure entrepreneuriale. Pour elle, faire ses propres choix dans le respect de ses valeurs est une ligne directrice de tous les jours.
1- Marion, pourquoi est-ce important de faire ses propres choix ?
Tout simplement parce que nous sommes les seules à savoir ce qui est bon pour nous (sourire). Attention, c’est un exercice très compliqué ! Savoir qui l’on est, ce que l’on veut, s’affranchir de ce que l’on attend de nous. C’est un grand défi. Mettre tout cela de coté et avancer soi-même, est une épreuve en soi.
Ce sont des choses, personnellement, que j’ai dû faire. Et, à plusieurs reprises. Même si j’ai conscience que les gens qui m’entourent, veulent me protéger, ils me transmettent surtout leurs propres peurs. J’ai donc dû m’en affranchir pour avancer sur mon propre chemin, qui vous l’imaginez, était différent de celui qu’ils m’avaient tracée. Et pour y arriver, je me suis avant tout questionnée : est-ce que je fais ce choix pour moi ou bien pour les autres ?
Du coup, mes choix n’étaient jamais évidents. Aujourd’hui, je peux dire que ce qui m’a permis de réussir est cette prise de conscience. Il est donc vraiment important de regarder en face ses convictions propres (sourire).
Je pense aussi qu’avoir fait du sport à haut niveau m’a aidée dans mes prises de décisions. Tu es obligée d’apprendre à te connaitre : de connaitre ton corps, tes limites, tes peurs… Tu prends conscience de tes capacités. Avec le recul, le sport continue de m’aider dans mes choix de dirigeante. J’ai été habituée à repousser mes limites.
2- Cette liberté de jugement et du regard de l’autre t’aident-ils dans la gestion de ton entreprise ?
Oui, ça m’aide (sourire). Je crois que l’on est dans un monde où l’innovation et la capacité à se remettre en question sont fondamentales pour avancer et performer. Prendre du recul est toujours une bonne chose pour s’améliorer, notamment pour se réinventer. Et pour se réinventer, on ne peut pas suivre l’ordre établi. Cela ne fonctionne pas.
Ainsi pour allier gestion de son entreprise et gestion de sa vie personnelle, je pense vraiment qu’il faut rester focalisée sur ses valeurs de départ. Pas celles des autres, mais bien celles qui nous ont fait devenir entrepreneures ! Se souvenir du “pourquoi” de son entreprise, prendre du recul sur son parcours, et garder en tête la vision de son projet aide à prendre les bonnes décisions.
3- Dirais-tu qu’il vaut mieux vivre avec des remords plutôt qu’avec des regrets ?
Oui (rires) ! Personnellement, je me suis toujours fixée des objectifs hypers ambitieux. Ça a toujours été mon leitmotiv. Chaque jour, j’essaie de viser les étoiles – comme dit mon mari (rires) ! Si tu y arrives c’est top. Si tu n’y arrives pas, ce n’est pas grave. Tu peux alors changer d’étoile et réessayer.
Ça fonctionne avec tes clients aussi ?
Oui, tout à fait ! Nos valeurs d’entreprise sont assez marquées. Nous proposons des services très qualitatifs, avec des exigences en compétences très élevées. Ce qui permet de faire cohabiter des valeurs d’équipe, d’entraide et de partage au service du client. Et ce, même si je travaille dans la finance et que les normes sont très encadrées.
Le métier de courtier est un métier à la fois très concurrentiel et peut paraître très similaire d’une enseigne à une autre. Pour autant nos valeurs nous ont permis de performer. Nous avons réussi avec nos compétences, la qualité de nos services et de nos valeurs, à être reconnus comme acteurs du marché. Cela n’a pas de prix !
4- Tu travailles donc dans un milieu encore genré, qu’est-ce qui fait que les femmes sont “bloquées” dans leur vie professionnelle et personnelle ?
Je pense que le terme “genré” est encore trop faible (rires) ! En réalité, il y a beaucoup de femmes dans la finance. Seulement, 0 occupe des postes à responsabilités. Donc en réalité, c’est pire que ça !
Je pense que cette sous-représentation des femmes est due à l’enseignement. Sur les bancs de l’école, on n’apprend pas aux filles à donner de la voix. On leur apprend à être calmes, polies, dociles… Du coup, quand tu es dans un milieu professionnel où tu dois prendre la parole en public et qu’il faut jouer des coudes pour se mettre en avant, cela devient difficile.
À l’inverse, quand tu le fais, on t’explique que tu prends de la place (rires). Les femmes sont vite stigmatisées. C’est paradoxal, non ?
Est-ce que cela a un lien avec les choix ?
À mon sens, ce sont des biais multiples. Je pense qu’il y a plein de femmes qui renoncent à cause de l’envergure du combat. Elles n’ont pas forcement envie de se batailler pour se faire valoir. Le choix devient alors, fondamental.
Pour moi, la clé de réussite serait déjà de se voir autrement. Arrêtons de vouloir être 100% compétentes dans tous. Je m’en rends de plus en plus compte à travers les réseaux sociaux ou dans les réseaux professionnels… Les femmes “doivent” être parfaites.
Un homme, quand il a quelque chose à dire, il le dit. Il ne se demande pas si cela est cohérent ou pas. Il le dit. Une femme, elle, va se poser beaucoup trop de questions avant d’oser prendre la parole. Et au final, ne la prendra pas.
Ne plus hésiter à oser prendre la parole ou à affirmer ses convictions et ses opinions est un vrai levier à travailler chez les femmes. En fait, je reste persuadée que de copier les hommes peut avoir du bon (sourire) ! Il faut impérativement que les femmes réussissent à changer leur perception d’elles-mêmes. En vérité, on se met nos propres freins dans nos carrières et dans nos vies personnelles. Il est temps de changer ça !
4- Est-ce que cette question d’équilibre de vie pro et perso n’est pas, au final, un problème majeur chez les femmes ?
Pour moi, c’est forcément un frein. Ça nous oblige à être totalement parfaites sur tous les plans. Une femme doit avoir des objectifs de vie mais, la conciliation entre la vie professionnelle et la vie personnelle est avant tout un travail d’équipe.
Je forme une équipe avec mon mari (sourire). Or, un des problèmes que j’ai pu observer chez les femmes, c’est qu’elles veulent tout faire toutes seules. Elles ne s’autorisent pas à dire à leur conjoint “de faire”.
Personnellement, je suis force de proposition dans l’organisation familiale. Avec mon mari, nous nous partageons les tâches. Je ne dois pas gérer seule le quotidien familial, en plus de l’entreprise. Ça nous évite d’avoir des freins. Cela nous empêche de nous chercher des excuses.
5- Si tu avais un conseil à donner à des femmes pour avancer, mieux performer dans leur entreprise, qu’est-ce que tu leur dirais ?
D’arrêter d’avoir peur de l’échec : cela ne sert à rien d’avoir l’idée du siècle. Parfois, un regard différent sur un business peut changer la donne. Oser faire, oser créer, oser mener son business. Rien ne sert de chercher des performances de dingue pour réussir dans sa vie. La sur-performance n’est pas toujours utile. L’idée est avant tout, de faire pour soi. Je pense que les femmes attendent trop… Elles attendent le prince charmant, elles attendent une évolution de carrière, elles attendent… toujours dans la perfection de… . Mais, non ! Si elles veulent que les choses changent, elles doivent saisir les opportunités et avancer. Elles sont les seules à pouvoir faire cette démarche. C’est un biais éducatif, je pense. Il faut qu’on arrête d’être des filles parfaites et qu’on s’autorise à avancer, à oser.