Catherine Mueller est la nouvelle Présidente de la coopérative Le Troisième Souffle qui gère le cinéma Cosmos. Le nouveau cinema urbain de Strasbourg, anciennement appelé L’Odyssée. Plus qu’une expérience cinématographique, ce nouveau lieu offrira aux riverains une expérience de vie. En véritable tiers-lieu, le Cosmos se réinvente autour de l’image pour et par ceux qui souhaitent tenter l’aventure. Bar, espace de travail, événements… Le Cosmos ouvrira ses portes dès le printemps prochain au grand public.
1- Catherine Mueller, vous êtes la Présidente de la coopérative Le Troisième Souffle, du nouveau cinéma Cosmos de Strasbourg. Pourquoi une forme coopérative ?
Tout simplement parce que, derrière le Cosmos, nous souhaitions porter un projet collaboratif. Nous souhaitions nous émanciper du schéma traditionnel professionnel : avec une direction, un conseil d’administration pour piloter le projet et une équipe en dessous. En somme, nous préférions mettre en place une équipe porteuses de toute les richesses du projet. Cela avait plus de sens pour nous.
Et pour commencer, nous nous sommes retrouvés autour de l’association Troisième Souffle. Ensemble, soit les 14 membres de l’association, nous avons donné vie au projet de cinema dont nous rêvions depuis des années. Plus de 30 ans (rires) ! Le fait que nous ayons des énergies et des profils différents a favorisé la construction de ce cinéma. D’où la logique de prendre la forme collaborative, plus démocratique et plus participative.
Sous cette forme statutaire, il y a des collèges qui représentent les différentes parties prenantes du cinéma : les spectateurs, les bénéficiaires, les partenaires, le bar, les collaborateurs etc… Ouvrir la co-construction de ce projet à ces collèges a construit l’instance directrice du projet. Cela permet aussi, d’avoir des voix différentes et de rester en phase avec l’idée première de notre cinéma.
2- Que va-t-on (re)trouver dans ce nouveau cinema ?
Tout a été construit et a été pensé autour de l’image, du cinema et de l’image animée. Nous restons un cinéma d’art et d’essai, sans pour autant nous positionner sur l’actualité. Cela fait partie des clauses de notre convention : nous ne devons pas être en concurrence avec les autres cinémas de la ville.
Donc, on vend un cinema disruptif. Nous l’avons pensé comme un tiers-lieux. Merci la période Covid où nous avons tous pratiqué le Home-cinema (sourire) ! Nous avons donc pensé le Cosmos comme un cinéma partagé. Un cinema où l’on peut venir pour d’autres raisons que l’expérience même de la salle noir et du film.
Ainsi, les espaces sont conçus pour qu’il y a ait une transversalité. Le bar est un projet en soit, en coopérative également. L’étage permet à qui veut de s’installer et de venir travailler librement pour bénéficier du lieu. Les espaces, au rez-de-chaussée, serviront à montrer différentes formes d’image et à mettre en place des projets de rencontres autour de thématiques. En fait plus qu’un cinema, nous proposons des expériences.
Vous rendez vivant un lieu, généralement, plus statique ?
Tout à fait ! Nous le rendons vivant à la fois par les expériences que nous y proposons mais aussi, par la manière de le gérer. Soit vous pouvez en bénéficier, soit vous pouvez vous investir et en bénéficier. Nous investissons sur une certaine liberté de pensée et une proactivité. C’est un lieu qui rassemble mais qui ressemble aussi !
3- Quels sont les objectifs du Cosmos ?
La fréquentation, dans un premier temps. Puis de réussir à inclure par des actions de pédagogies et de médiation. Inclure pour s’approprier le cinema et laisser la possibilité aux gens de proposer des actions. Nous souhaitons qu’ils deviennent actifs du cinema et plus des consommateurs passifs.
Ensuite, et pour ceux qui travaillent dans la Culture, notre objectif est bien de former le public de demain. Nous essayons par ce tiers-lieux, de faire une transition entre ce qui existait, ce que l’on a connu et ce que l’on peut inventer. C’est une véritable expérience partagé que nous souhaitons transmettre. Notamment, pour les nouvelles générations. Nous aimerions beaucoup que les jeunes se l’approprient pour en faire un lieu qui leur ressemble. C’est déjà un gros enjeu !
Nous aimerions revenir à une pratique plus intime du cinema.
4- Catherine, comment on gère sa place dans une milieu encore très masculin ?
Difficile à dire car je prends la présidence au 1er janvier ! Ceci dit, nous avons beaucoup travaillé la question. Et pas qu’au niveau des instances (sourire) ! Actuellement dans le monde du cinema, beaucoup de changements s’opèrent. Ce sont des suites logiques dans lesquelles la parité, l’égalité et la diversité sont en leur coeur.
Au titre de la gouvernance, la question des femmes est centrale. C’est une question que nous avons posé dès le début du projet. Nous avons réfléchis à comment activer et donner leur place aux femmes. De fait, la parité s’est retrouvée au coeur de la gestion du cinema. Nous avons donc un duo femme-homme à la direction de celui-ci.
Personnellement, j’incarne la présidence. Ce qui ne m’empêche pas de m’appuyer sur d’autres personnes pour prendre les décisions. Je trouve cela intéressant que de pouvoir dialoguer avec quelqu’un de même niveau. À mon sens, se confronter à la grille de lecture de quelqu’un d’autre permet d’avoir une profondeur et d’être moins directe dans ces décisions.
Enfin, nous souhaitions favoriser la parité dans tous ce qui entoure le monde du cinéma. En France, les femmes réalisatrices sont sous-représentées. Nous souhaitions donc rectifier le tir à travers nos rencontres, les invités, les prestataires, les équipes etc. C’est un combat que nous nous sommes appropriés. Nous sommes effectivement, quelques féministes dans l’équipe (rires) ! Nous souhaitons vraiment faire en sorte que le cinéma de demain s’articule en bonne intelligence. C’est une vraie volonté de le mettre en oeuvre.
D’où le nom Cosmos ?
Tout à fait ! C’est la vision que nous avons du cinema de demain. Une constellation d’expériences et de combats .
5- Si vous aviez un conseil à donner à des femmes qui souhaiteraient se lancer dans une aventure entrepreneuriale et dans un domaine encore masculin, qu’est-ce que vous leur diriez ?
De s’autoriser à : même s’il est difficile de donner un conseil à des personnes qui n’auraient pas le même vécu que nous. Mais je dirai quand même, s’autoriser à (rires). Chose peu évidente car nous sommes dans une société assez frileuse. Aujourd’hui, il n’est pas si évident de défendre ses idées, de prendre la parole devant tout le monde, d’avoir le courage de proposer des choses. Et surtout, d’aller au bout des choses. Co-construire, les femmes savent très bien le faire. Prendre le lead, ça leur est toujours difficile. C’est à nous, les femmes, de décider de notre place. Et ça commence par emprunter le mot NOUS.
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