Aurélie Gander est bouchère de formation. Avec une nouvelle boutique « La Ferme Rottmatt » à Illkirch-Graffenstaden, c’est une véritable entreprise familiale qu’elle et son conjoint gèrent. Entreprise familiale et inclusive car les femmes ont toutes leur place dans le circuit de vente. Une normalité que le couple d’entrepreneurs défend pour casser les schémas de penser sur le métier.
1- Aurélie, tu as ouvert une seconde boucherie à Illkirch-Graffenstaden avec ton conjoint. Dis-moi, comment passe-t-on de commerciale dans l’agro-alimentaire à bouchère ?
Effectivement, à la base, j’étais commerciale pour un grand groupe. C’est d’ailleurs comme ça que j’ai rencontré mon conjoint, Jérôme. C’était un de leur client. Il est devenu mon associé de cœur et d’affaire par la suite (rires) !
Jérôme est agriculteur et à l’époque où l’on s’est mis ensemble, il voulait réinventer son circuit de vente. C’est là qu’on a eu l’idée de faire des colis de viandes de 15 kg. C’était en 2013 (sourire). Une façon plus moderne, en somme, de vendre la viande. Ça a pris tout de suite ! Puis la question fatidique s’est posée : est-ce qu’on continuait les colis ou est-ce qu’on ouvrait une boutique ? Le problème avec les colis, c’est qu’il fallait élargir notre zone de chalandise pour que cela soit rentable. Ce n’était pas ce qu’il y avait de plus évident !
Mais le hasard fait toujours bien les choses (sourire) ! Un ancien garage à Sand venait d’être mis en location. On en a profité pour le louer, le restaurer et y installer notre première boutique « Ferme Rottmatt », avec notre laboratoire. Du coup, j’en ai profité pour faire une reconversion professionnelle et devenir bouchère : j’ai passé le CTM et le CAP boucher. Je l’ai fait principalement pour assumer la gestion quotidienne du magasin. C’était primordial pour moi ! Je voulais être sûre de maîtriser et de gérer l’affaire comme je le devais. Avec cette formation, j’avais à la fois les connaissances nécessaires sur la viande mais aussi, sur la gestion d’une société.
J’ai décidé de continuer dans cette aventure et de collaborer avec mon conjoint. Ce qui était une affaire est devenue une entreprise familiale, labellisée « Bienvenue à la ferme ». Donc, je dirai que c’est une reconversion de cœur (sourire) !
2- C’est un métier encore masculin. Comment as-tu réussi à te faire une place dans celui de la boucherie ?
C’est un peu le fruit du hasard ! Pendant ma reconversion professionnelle, je suis tombée sur les bonnes personnes. Elles m’ont beaucoup appris. En plus, elles étaient coutumières des femmes en boucherie. Donc c’était plus facile. Ce qui n’était pas forcément le cas pour tout le monde car, à l’époque il persistait une délégation des tâches très genrée : les hommes à la boucherie, les femmes à la charcuterie.
3- Du coup, peut-on dire que tu casses les codes du métier de boucher ?
Casser les codes… je ne pense pas (sourire) ! En réalité, il y a de plus en plus de femmes qui exercent ce métier. En revanche, montrer que bouchère c’est possible et accessible aux femmes… Oui !
Pour le moment, nous ne sommes pas nombreuses mais la filière tend à se féminiser de plus en plus. Ce qui est sûr, c’est que pour moi, c’est une normalité. À mon sens, tout le monde peut exercer ce métier. Il n’est plus aussi contraignant qu’avant. Je pense vraiment qu’il faut faire tomber les barrières et montrer aux femmes que boucher peut être un métier pour elles aussi.
Et puis, la règlementation du métier nous aide beaucoup là-dessus : avec le document unique pour les risques du métier, les équipements et la santé… Tout a vraiment été fait pour que le métier soit mixte et non exclusif. Donc au final, je pense que c’est erroné de dire que le métier de boucher est un métier masculin. Du moins, aujourd’hui.
4- Donc finalement, c’est moins les codes que tu souhaites casser que l’exemple que tu souhaites insuffler en étant bouchère ?
Exactement (sourire) ! Je suis une femme de terrain et en ce sens, je montre aussi par mon métier que c’est accessible aux femmes qui le souhaitent. D’ailleurs, c’est ce qui a été souligné avec le prix Madame Artisanat de 2020 que j’ai gagné, même si nous n’en n’avons pas beaucoup parlé… Il est tombé quelques jours avant la Covid…
En tout cas dans l’entreprise, les femmes comme les hommes sont au service des clients. En boucherie comme en charcuterie. L’essentiel, c’est que le client soit servi et bien servi. Chez nous, nous ne faisons pas de différence ! C’est naturel.
En fait, je crois qu’on essaie de mettre plus de sens dans ce métier ! Bien sûr, dans la pratique, c’est plus difficile. Nous avons du mal à recruter des femmes qui soient formées dans les deux métiers. L’éducation est encore très genrée.
5- Si tu avais un conseil à donner à des entrepreneures qui comme toi, exercent dans un domaine encore masculin, qu’est-ce que tu leur dirais ?
D’oser : les femmes peuvent ! C’est important de se le dire et de le voir. À mon sens, tous les métiers sont accessibles. Il faut juste oser. Les femmes ont des qualités que les hommes n’ont pas et inversement. On est très complémentaires en vérité. Il faut dépasser les idées reçues et tenter l’aventure.