Angélique Gasmi est la directrice générale de l’association Le Génie de l’Habitat, fondée en 2009. Universitaire, elle travaille en collaboration avec des dirigeants de l’industrie du bassin alsacien, à améliorer le confort de nos espaces de vie. Un confort qui passe avant tout, par l’accessibilité de l’innovation. Son leitmotiv ? Mettre l’intelligence émotionnelle au cœur du business, pour un meilleur résultat économique, social et sociétal. Un cluster qui fait donc ses preuves, puisqu’aujourd’hui ce dernier est entièrement privé.
1- Angélique, tu es la fondatrice et la directrice générale du Génie de l’Habitat. Est-ce que tu peux nous expliquer un peu le concept de cette association ?
Le Génie de l’Habitat c’est avant tout, l’histoire d’une femme et de beaucoup d’hommes ! (rires) Des hommes passionnés par leur métier, qui croient en l’intelligence collaborative et collective. Des hommes qui décident de travailler ensemble, d’échanger, de réfléchir, de mutualiser la réflexion et les ressources, pour offrir des lieux de vie innovants à des consommateurs aux besoins nouveaux. D’où finalement, l’intérêt de cette démarche !: offrir des lieux de vie humanisés, pour rendre leurs occupants heureux.
Cette accessibilité de l’innovation est possible grâce à la mutualisation, à l’intelligence collective et à l’industrialisation. Angélique Gasmi
Si je peux résumer l’ambition du Génie de l’Habitat, ce serait comme ça ! (sourire) D’ailleurs ce peut être un lieu de vie, mais aussi un lieu de travail : l’hôpital, la maison de retraite etc. Notre vision, c’est que tous les lieux de vie se doivent de ressembler à l’habitat privé. Un habitat privé innovant, mais surtout, accessible à tous et pour tous ! C’est notre raison d’être. Nous sommes ici sur de la production de masse, ce qui rend le produit innovant, ou haut de gamme, beaucoup plus accessible.
2- Pourquoi avoir créé ce collectif ?
À la base, je suis universitaire en géopolitique (sourire) J’ai travaillé sur ces concepts, appelés aussi « districts industriels », qui reflètent une certaine réalité. Une réalité qui en France, est portée initialement par le pouvoir public. Ainsi par le biais de ces structures qui sont souvent associatives, le pouvoir public peut mettre en œuvre sa politique prospective, d’innovation, de développement du territoire et de l’économie. Il va alors soutenir financièrement ces clusters, de façon à pouvoir livrer le projet au secteur privé.
À l’époque, je travaillais avec les représentants publics pour créer et animer ce genre d’initiative. J’ai donc toujours opéré dans des projets publics/privés. Ce genre d’initiative avait pour objectif d’inviter les leaders, les visionnaires de l’industrie (quelque était l’activité économique ou la filière), à travailler sur une feuille de route commune et des projets collaboratifs. C’est comme ça, que j’ai découvert le sens de l’entrepreneuriat ! C’est d’ailleurs, un secteur difficile ! Non pas parce qu’il est dirigé par des hommes, mais parce que nous n’avons pas l’habitude de travailler ensemble (sourire) : les dirigeants industriels n’ont pas l’habitude de travailler communément, entre experts et industriels ; le secteur public et privé, non plus. Il fallait donc trouver quelqu’un qui anime et pilote ce genre de structure. C’était important ! Et il fallait que cette personne incarne un certain charisme : par la confiance, par l’écoute, mais surtout par l’intelligence collective et collaborative. Car créer un cluster demande de démocratiser ce genre d’expertises et de connecter tous les acteurs pour travailler sur des sujets innovants et collectifs.
3- N’est-ce pas difficile de s’engager dans un projet de cette envergure, notamment dans ce milieu encore très masculin ?
Franchement, j’ai commencé avec des industriels de la mécanique. Ensuite, j’ai travaillé dans l’agroalimentaire. (sourire) Aujourd’hui, je suis dans la conception, l’agencement, l’aménagement, l’ameublement, l’architecture et la décoration des lieux de vie. Ils sont tous formidables ! Et de toute manière, je ne travaille qu’avec des personnes qui partagent notre vision du travail collaboratif. Et puis chez Le Génie de l’Habitat, nous avons un cahier des charges : il faut que ce soient des ETI et des PME familiales, ancrées sur le territoire alsacien et français. Donc déjà, rien qu’en se basant sur ces critères-là, ces personnes sont des personnes formidables !
Nous travaillons avec des industriels qui ont la passion du métier ! explique Angélique.
Et en plus aujourd’hui, ce sont de jeunes dirigeants, initiés au travail collaboratif. Pour eux, c’est un travail qui fait sens et qui donne du sens à leur travail. C’est donc pour ça qu’ils acceptent de rentrer dans l’association et qu’ils acceptent leur rôle – je dis rôle car notre association fonctionne comme une fondation ! Ils sont animés par ces raisons sociétales et sociales. Dans toutes les entreprises, vous avez ce rôle économique mais aussi, ce rôle social. Et je dirai que chez nous, dans les clusters que nous avons dessinés, ce qui nous anime c’est cette ambition collective de vouloir offrir des lieux de vie innovants et accessibles (sourire).
4- Alors justement, qu’est-ce qu’apporte l’ESS (l’Économie Sociale et Solidaire) à ce regroupement d’industriels ? C’est quand même peu commun dans ce secteur d’activité…
Comme je l’ai dit, nos projets sont animés par des entreprises familiales, ancrées sur le territoire français. Elles ont déjà dans leur ADN, des valeurs sociétales et environnementales. Le fait que ces projets soient portés par l’association du Génie de l’Habitat, permet d’aller encore plus loin dans les démarches. Ça renforce leurs ADN ! (sourire)
C’est d’ailleurs un axe de stratégie que j’ai renforcé pendant la crise !: nous avons mis sur pied une stratégie de communication qui valorise encore plus nos entreprises et leurs valeurs. Au point que nous avons décidé de créer une signature commune « Les Génies Français », pour informer les utilisateurs finaux sur nos valeurs.
5- Si vous aviez un conseil à donner à des entrepreneures qui, comme vous, souhaiteraient se lancer dans le secteur industriel, quel serait-il ?
Je n’ai pas cette légitimité de dire que je suis à la tête d’une entreprise industrielle. En revanche, je pense que toute entreprise peut être pilotée par une personne, homme ou femme, qui possède en elle la volonté de créer, de développer, de piloter et de prendre des risques. Si cette personne est animée par ces valeurs, alors elle peut se lancer dans l’aventure ! Par contre dans le monde des clusters/districts, qui reste selon les statistiques un monde masculin, je pense qu’avoir des femmes à la direction est bénéfique ! Tout simplement parce que nous, les femmes, nous sommes animées par l’intelligence émotionnelle. Et de base, cette intelligence est collaborative. Mais surtout, elle est nécessaire aujourd’hui dans nos entreprises et dans le management. Pour fédérer, il faut du sens et créer du sens aux projets. Et ça, ce sont des qualités qui sont plus présentes chez la femme. C’est une compétence importante et nécessaire. Dans notre association, c’est comme ça que je fonctionne. Avec l’intelligence du cœur ! Diriger une entreprise, à mon sens, n’est pas inaccessible. Il faut seulement oser tenter l’aventure et avoir le courage de la tenter.