Bérénice Bonnard est une éco-graphiste lyonnaise. Elle travaille à parfaire ou à créer des concepts graphiques et de communication écologiques, pour aider les entreprises à être plus vertes et inclusives. Une manière pour elle, mais aussi pour ses clients, d’avoir un impact à leur échelle sur les enjeux environnementaux. Une façon aussi, de contribuer à la sensibilisation de prescripteurs et de faire en sorte que la RSE deviennent une normalité.
1- Bérénice, en quoi l’écologie aujourd’hui peut-elle passer par le graphisme ?
L’écologie peut passer par le graphisme si l’on revoit toute la conception de A à Z. C’est-à-dire, de l’idée à la fin de vie du projet (sourire). L’idée, à travers ces concepts, est de réfléchir à tous les niveaux à l’impact écologique de ce que l’on produit.
Pour cela, je m’entoure de personnes engagées comme des imprimeurs locaux, éco-engagés, qui utilisent des encres végétales et du papier issu de ressources recyclées et/ou biodégradables. Eh oui ! Nous pouvons aussi prendre du papier biodégradable, comme le papier sans arbre, issu de déchets agro-industriels (les fruits ou les légumes…).
Notre but est de trouver des solutions vertes, des alternatives écologiques pour utiliser le moins de ressources possibles et pour favoriser le recyclage pour les concepts papiers. Notre impact se joue sur l’ensemble de la chaine, pas que sur les images. D’ailleurs, nous travaillons à plus de transparence. Nous notifions sur les papiers que ces derniers ont été conçus dans un cercle vertueux. C’est important pour sensibiliser. Elle éduque les utilisateurs finaux. Certains découvrent alors de nouvelles formes pour concevoir les supports imprimés, comme le papier ensemencé à planter, d’autres que les supports ont été éco-conçus…
Comment tout cela se matérialise alors ?
D’un point de vue graphique, je vais revoir tout de qui est mise en page : l’épurée, utiliser un certain niveau d’encrage pour utiliser le moins d’encre possible. Plus il y a d’encre, plus ce sera difficile de recycler.
Ensuite, je vais travailler l’impact écologique sur le web. Avec les clients, je réfléchis à utiliser des hébergeurs verts, à revoir les structures des pages pour les alléger, faire en sorte qu’elles soient plus facile d’accès, plus inclusives, plus rapides. Je (re)travaille aussi, tous les éléments visuels qui constituent le site, les typographies, les couleurs et les visuels pour qu’ils soient plus légers. L’idée à travers ces exercices de l’éco-conception est d’utiliser le moins de ressources possibles.
Donc soit je conceptualise de A à Z un projet pour qu’il soit le plus vert possible, soit je fais des audits sur l’existant et propose des pistes d’amélioration aux clients. À mon sens, c’est important d’avoir une posture de conseiller pour parler des valeurs de l’éco-conception : l’éthique et l’inclusion.
2- Ton but, lorsque tu travailles sur un projet est-il aussi de sensibiliser et d’enseigner ? Pourquoi ?
Clairement (sourire) ! Mon but est de sensibiliser. En fait, personnes ne se rend compte de son impact sur le web ou de son impact environnemental lors de la conception d’un projet. Pour que mes clients puissent s’en rendre compte, j’utilise un site, sur lequel je calcule l’équivalence de leur impact au quotidien.
Par exemple, un site web bien pensé peut encore être amélioré. Pour l’expliquer au client, je vais lui montrer son équivalence carbone en X trajets en voiture par an. Cela aide les clients à se projeter et à mieux comprendre qu’ils peuvent encore travailler à améliorer l’eco- conception de leur site.
Généralement, il y a un réel déclic. Et ce que je constate le plus souvent, c’est que ces derniers ont envie de parfaire leur projet pour avoir un réel impact sur notre environnement. Donc je les aide en ce sens, en leur donnant des petites astuces (sourire).
Il est important que chacun d’entre nous puissions avoir un impact sur notre planète. Avec tous ce qui se passe autour de nous, il est urgent d’agir. Nous ne nous en rendons pas compte mais nous pouvons tous avoir des petits gestes quotidiens qui, mis à la chaine, peuvent avoir de vrais impacts. C’est comme ça, je pense, que l’on pourra faire bouger les lignes. Et puis, nous allons tous communiquer sur nos activités. Alors pourquoi ne pas le faire directement avec les bons gestes, les bonnes conceptions et les bons réflexes ?
Faire un support plus éco-responsable ne coûte pas plus cher. Par contre, cela à un véritable impact sur l’environnement. J’aime faire conscientiser à mes clients qu’ils peuvent être acteurs ou actrices d’un changement environnemental. En plus, ils en sont les ambassadeurs et les prescripteurs.
3- Est-ce que “rendre autonome” à avoir aussi avec les obligations RSE de 2024 ? Est-ce un accompagnement que tu souhaites mettre en place ?
En tant qu’éco-graphiste, je pense que nous avons un rôle à jouer dans la mise en place de la RSE en 2024. Nous créons des communications éthiques et responsables. Nous travaillons à améliorer la sphère sociétale et environnementale. Cela rajoute de la valeur aux démarches RSE des clients qui rajoutent une corde à leur arc dans les actions qu’ils peuvent mener.
Parce que faire des démarches RSE, ce n’est pas QUE l’annoncer en communication. Il doit y avoir des actions concrètes derrière ce mot. Nous nous devons d’accompagner les entreprises sur plusieurs axes. Pour cela, je m’entoure de personnes spécialisées dans le domaine. Elles ont une vision plus large. Moi, j’apporte mes connaissances en graphisme écologique. En fait, l’écologie et la RSE sont un véritable travail de groupe. C’est un sport collectif (rires).
4- Pourquoi la mise en place de la RSE est, selon toi, nécessaire ?
Pour moi, c’est quelque chose de tellement normal ! Je n’ai pas vraiment d’explication car cela devrait être une normalité. Du bon sens. Ceci dit, tout le monde n’est pas sensibilisé à la RSE. D’où, l’obligation de le mettre en place dans les entreprises à partir de 2024.
Personnellement, je ne suis pas tout à fait d’accord avec cela. Je suis partagée. Je comprends pourquoi elle est rendue nécessaire mais quid des intentions des entreprises ? J’ai un peu peur que cela se transforme en green washing*. Cela risque de porter préjudice aux entreprises qui sont, elles, vraiment engagées. Pour moi, rendre obligatoire sans sensibiliser et sans expliquer ou former les personnes, ce n’est pas cohérent. Faire pour faire, perd tout son sens.
5- Si tu avais un conseil à donner à des femmes qui, comme toi, entreprennent dans un secteur de la RSE, que leur dirais-tu ?
De foncer : de se rapprocher de professionnels qui partagent les mêmes valeurs qu’elles. Se former à l’écologie, ce n’est pas simple. Surtout sur la partie graphisme. Ce n’est pas une approche encore bien connue. Donc se rapprocher de personnes qui partagent les mêmes valeurs peut nous faire grandir. La RSE n’est pas ma spécialité, ceci dit en m’entourant des bonnes personnes, j’en découvre plus et j’applique par le graphisme et la communication. Jouer la carte du collectif est important. Discuter pour parfaire un modèle est essentiel quand on travaille sur un sujet engagé. Ça apporte plus de valeurs aux projets.
*green washing : (éco-blanchiment) est une méthode de marketing consistant à communiquer auprès du public en utilisant l’argument écologique.