Rodolphe Mathus est le Président-directeur général de l’entreprise Eleate-Consult. Une société de conseil et d’accompagnement pour les dirigeants du secteur industriel. Pour lui, la visibilité des femmes est une nécessité si l’on veut construire l’industrie de demain, car c’est dans la complémentarité que les entreprises grandissent.
1 – Rodolphe, pourriez-vous nous présenter votre domaine d’expertise, vos services et votre clientèle ?
Je suis Rodolphe Mathus, j’ai 53 ans (sourire). Après avoir passé plus de 25 ans dans le secteur de l’industrie, dans des grands groupes, j’ai décidé de créer ma société de conseil. Celle-ci a pour objectif d’accompagner les dirigeants d’entreprises industrielles, qu’ils soient dans la distribution ou dans les services.
2- Selon votre expérience, diriez-vous que les femmes dirigeantes sont bien représentées dans le milieu de l’industrie ?
J’ai envie de dire que plus les années passent et plus elles sont représentées. Plus les années passent et plus elles ont accès à des postes clés (sourire). Notamment dans la région Alsace, où nous avons beaucoup de femmes dirigeantes ! Aussi bien d’ailleurs, des dirigeantes de grands groupes, que de PME ou d’entreprises de plus petite taille. Ce qui est sûr, c’est qu’elles se lancent un peu plus dans l’entrepreneuriat chaque jour. Je dirai donc, qu’il y a un net progrès de l’entrepreneuriat féminin.
Elles sont donc représentées mais peut-on réellement dire « bien représentées » ?
« Bien représentées », tout est relatif ! Je pense qu’on peut encore faire beaucoup mieux et qu’effectivement, nous pouvons considérer qu’elles ne sont pas très bien représentées. Toutefois, restons positifs et optimistes (sourire) ! Je crois, personnellement, à la force de la position de la femme dans les entreprises. Entre autres, à des postes de responsabilité et de management. Pour moi, le management féminin a aussi sa raison d’être et est très complémentaire à l’environnement d’une entreprise.
3- À votre avis, pourquoi les femmes ne sont-elles pas « attirées » par ce secteur ?
Je pense qu’il y a un problème de visibilité ! Dans le sens où l’on ne présente pas encore suffisamment l’industrie aux femmes. Comme aux jeunes filles et aux jeunes femmes d’ailleurs ! En réalité, je pense qu’il faut commencer très tôt à le présenter : dès la fin du collège et le début du lycée.
Il est vraiment important de faire connaître tous les métiers, notamment ceux de l’industrie. Aujourd’hui, le secteur industriel n’est plus sous l’ère d’Émile Zola. L’industrie est une activité très pointue, très technique et technologique, avec beaucoup de procès. Elle a aussi un management qui a beaucoup évolué, avec de la gestion d’équipe et souvent, multiculturel. Et surtout, l’on y trouve des femmes ! Donc oui, je pense qu’aujourd’hui, c’est un problème de visibilité.
Et peut-être d’éducation, encore trop genrée ?
Ça, c’est évident ! Aujourd’hui, il n’y a plus d’intérêt à genrer les professions, ni les métiers. D’ailleurs on constate qu’il y a de plus en plus de femmes dans des professions, autrefois réservées aux hommes (sourire).
4- Donc le principal changement qu’il faudrait apporter à cette problématique, ce serait de rendre visible ces femmes de l’industrie. Selon vous, quels seraient ici les changements à apporter ?
Oui, tout à fait (sourire) ! Et surtout faire connaître les métiers. Je pense aussi que, dans certaines formations et certaines écoles, il y a tout intérêt à diversifier les recrutements. Ça se fait de plus en plus. Nous progressons sur ce plan-là mais, peut-être pas assez vite.
Les formations et les lycées, les universités et les écoles accueillent beaucoup plus de populations féminines, aujourd’hui. Par contre, je trouve qu’il y a encore des métiers, qu’ils soient manuels ou très techniques, qui ne sont pas encore assez ouverts aux femmes. Et pourtant, je pense vraiment que les femmes s’intéressent à ces métiers ! La preuve en est puisque cet été, j’ai eu la chance de rencontrer une jeune femme, entrepreneure, à la tête d’une entreprise de couverture (sourire). Elle recouvrait le toit d’une église et dirigeait son équipe, entièrement masculine. Cette femme, à mon sens, apportait quelque chose de plus à l’entreprise : la patience, la précision, la technique, le design des tuiles…. Une vision complète qui allait au-delà d’un poseur de tuiles classiques. Cette femme avait décidé de reprendre l’entreprise artisanale et je trouve que c’était une superbe réussite. C’est aussi une belle expression de ce que peut représenter une femme, dans un métier traditionnellement réservé aux hommes (sourire) !
Je pense honnêtement qu’aujourd’hui, il y a des complémentarités entre les hommes et les femmes. Il n’est pas question ici, de faire une guerre des sexes mais bel et bien, de montrer que cette complémentarité existe. Et qu’elle est nécessaire ! À mon sens, une entreprise sans une femme, c’est entreprise bancale. Je pense vraiment que nous avons tout intérêt à développer l’entrepreneuriat féminin dans les métiers, le management et aussi, à casser le plafond de verre.
5- Sont-ce ici, des engagements que vous mettez en place au sein de votre entreprise familiale ?
Absolument (sourire) ! Dans mon entreprise de conseil, je suis amené à faire appel à un réseau d’experts. Je m’occupe d’opérations de fusion et d’acquisition. Donc, de croissance externe. Dans ces opérations, il y a plusieurs volets : la stratégie, l’organisation, les métiers du chiffre et du droit, le volet humain, grands facteurs clés du succès ou de l’échec de ce type d’opération. Je dois donc avouer, que je fais souvent appel à des partenaires ou des experts féminins. Pour autant, mon réseau d’experts est paritaire : il y a tout autant de femmes que d’hommes ! Mais très souvent, je travaille avec des femmes : des avocates, des expertes en ressources humaines, des coaches… .
Selon moi, elles apportent une réelle valeur ajoutée dans des opérations telles que de croissance externe et/ou de fusion-acquisition. Pour moi, ce n’est pas une question de métier mais, une question de compétences et de complémentarité. Si l’on se retrouve dans une opération de croissance, et que vous traitez soit qu’avec des hommes, soit qu’avec des femmes, je ne suis pas certain que cela apporte beaucoup plus à l’opération. Par contre ce qui apportera davantage, c’est la mixité. Et peu importe que les métiers soient plus féminins ou plus masculins. Il faut à mon sens, que tout le monde soit autour de la table et échange. C’est vraiment nécessaire !
D’ailleurs, c’est une bataille que je mène depuis un certain temps maintenant : j’essaie de mettre en avant la féminisation des métiers et je valorise la place des femmes dans les associations, dans la municipalité, et les missions locales. J’ai coécrit un ouvrage sur l’entrepreneuriat féminin, qui s’intitule « #RéZoter ». C’est vraiment dans mon ADN. Et pour moi, c’est le droit des femmes.