Enquête exclusive – partenariat Les Génies Français de l’Habitat
Philippe Beyer est le Président Directeur Général de la société Fleck Sécurité et le Président de l’association les Génies Français de l’Habitat. Un groupement d’industriels, dirigeants d’entreprises françaises familiales, engagées en faveur de la transformation des entreprises et de nos lieux de vie. Pour lui, la féminisation de l’industrie est nécessaire. Pour cela, un travail de fond doit être amorcé et ce, dès les bancs de l’école. Témoignage.
1- Philippe, vous êtes PDG de Fleck Sécurité, une PME alsacienne engagée dans l’innovation et la transformation. Pourriez-vous nous présenter votre domaine d’expertise et votre stratégie d’innovation à destination des consommateurs ? Car j’imagine que ces derniers sont de plus en plus réceptifs aux entreprises engagées ?
La société Fleck est une société familiale, veille de 70 ans environ. Elle a été fondée et dirigée par deux générations de la famille Fleck. Je l’ai racheté, il y a 5 ans.
Chez Fleck, nous opérons principalement dans la sécurité. Nos offres vont de la serrurerie classique (coffres-forts, alarmes, caméras de surveillance…) à la gestion électronique de produits parfois complexes (sécurité à haut risques comme le domaine bancaire) pour les industriels et les particuliers. À ce titre, nous sommes plutôt poseurs et mainteneurs. Ce qui fait la spécificité de notre entreprise, c’est qu’on est aussi fabricant : nous faisons des portes et des cloisons blindées, ainsi que tout panneau défensif jugé nécessaire.
Progressivement nous évoluons vers l’informatique, puisque les objets connectés font leur apparition depuis quelque temps. Il est donc important là aussi, de pouvoir répondre à la demande de notre clientèle et à leurs changements de consommation. Car si l’on veut conserver la maîtrise de notre secteur, il faut impérativement que l’on engendre notre transition vers tous ce qui se rapporte aux flux (électricité, lumière, chaleur, ventilation…).
Donc finalement cette transition, vous l’abordez principalement parce que vous êtes à l’écoute de vos clients ?
Ce n’est pas forcément que de l’écoute client. Il y a aussi, une perception analytique de démarrage. De façon générale, vous devez être à l’écoute : de vos clients, de vos salariés, de ce que vous entendez à l’extérieur, de votre sphère professionnelle sur votre domaine d’expertise ou des mouvements sociétaux. Cela donne quelques éléments qui viendront se constituer progressivement. C’est la base de l’innovation !
C’est à partir de là, que vous pouvez envisager l’avenir stratégique d’une entreprise : est-ce une opportunité à saisir ? Ou bien est-ce une demande client à développer, si l’offre n’existe pas ? Il faut faire une équation de l’ensemble de ces données et mettre en place, si nécessaire, les outils et les formations adéquates pour les salariés. Car ce sont eux qui, au final, atteindront les objectifs. C’est tout un processus ! Mais un processus que nous avons à cœur de faire chez Fleck.
2- Je reviens sur votre cœur de métier, l’industrie, qui est un milieu encore très masculin. À votre avis, pourquoi y-a-t-il peu de femmes dirigeantes dans ce secteur ?
Il y a quelques femmes dirigeantes. J’en connais au moins une. Elle a aujourd’hui 80 ans, est encore cheffe d’entreprise, et gère d’une main de maître son business.
Mais je dirai que c’est multifactoriel. Au niveau de la formation par exemple, qui reste encore très genrée : les filles sont plutôt dans le Social, alors que les garçons sont plutôt dans les Sciences. Traditionnellement du moins ! C’est un constat que l’on voit encore aujourd’hui, dans les formations d’ingénieurs. Et dans le secteur industriel, statistiquement, il y a moins de femmes formées à la technique. Même si cela tend à changer, on est encore loin de la parité dans les études.
Ensuite, je pense que les femmes n’ont pas forcément envie de travailler, ni de gérer une entreprise, dans le domaine industriel. Cela semble moins évident pour elles. Ce qui ne veut pas dire pour autant que le nombre de femmes qui entreprennent n’augmente pas. Au contraire ! Mais statistiquement, dans d’autres secteurs d’activité.
3 – Que faudrait-il faire, selon vous, pour inverser la tendance ?
Je pense qu’il y a un travail de fond à faire. Ne serait-ce que pour préparer les hommes du secteur industriel à travailler avec des femmes. Aujourd’hui, nous ne sommes pas assez « armés » pour gérer une équipe de femmes. Il y a des problématiques qui nous dépassent, des points d’ancrage pour les femmes qui sont plus importants que pour les hommes… Ce sont certes des images d’Épinal mais plus j’avance dans ce métier de chef d’entreprise, plus je m’aperçois que ce n’est pas totalement inexact. Globalement pour certains, travailler avec des femmes reste plus compliqué.
4- Est-ce que ce sont des idées qui pourraient devenir des engagements au sein même de votre entreprise ?
Oui ! Au sein de mon entreprise j’essaie, autant que faire se peut, de faire évoluer les uns et les autres en les tirant vers le haut. J’identifie les potentiels, hommes ou femmes, et par rapport à leurs atouts professionnels, j’augmente les responsabilités.
De façon plus générale, en revanche, je dirai qu’il faudrait apprendre à écouter les attentes des femmes. L’idée serait peut-être de former tous ces hommes du secteur industriel, aux attentes et problématiques féminines. Ceci pour qu’ils en prennent conscience et que s’amorce le changement. Je pense qu’en expliquant les choses, une synergie des genres pourrait se faire.
5 – Vous êtes aussi président du Génie Français de l’Habitat. Est-ce que se sont aussi, des engagements que vous souhaiteriez apporter au collectif ?
Je vais être honnête avec vous, c’est un point que je développe là, en réfléchissant avec vous ! On a déjà une femme à la direction de l’association, Angélique Gasmi. Donc, on peut dire que la féminisation s’est déjà amorcée. Et puis dans les différentes personnes qui interviennent dans notre cluster, il y a aussi beaucoup de femmes : des cheffes d’entreprise et des représentantes de chefs d’entreprise. D’ailleurs on peut observer une certaine diversité dans ce domaine, chez nos membres.
Selon vous, avoir Angélique Gasmi comme dirigeante du groupement est un atout stratégique ?
Je pense en effet, que d’avoir une femme à la tête d’un groupement d’industriels est un atout. Je dirai que c’est peu commun, notamment à cause de tout ce que l’on vient de dire. Et Angélique est très douée dans les relations humaines, pour fédérer. C’est son métier ! Je la connais depuis 2011 et je pense vraiment que sa personnalité joue dans la réussite du collectif : elle est proactive, elle écoute, elle essaie de mettre en relation, elle est dynamique… Tout ce que l’on demande d’un collectif. À mon sens, le fait qu’elle soit une femme facilite les choses. Je l’estime beaucoup et je pense que c’est un bon début de changement pour le secteur industriel, que d’avoir une femme comme directrice. Cela donne une autre image de l’industrie mais surtout, une image de l’industrie de demain.