Christine Soto est une serial entrepreneure qui, à plusieurs reprises, a rebondi. Forte de son expérience en communication digitale, de son expérience comme cheffe d’entreprise et de son réseau, elle reconstruit aujourd’hui une nouvelle entreprise. Témoignage.
1- Christine Soto, vous êtes une rebondisseuse et une serial entrepreneure. Aujourd’hui, où est-ce que vous en êtes ?
Après avoir eu une 1er agence de communication pendant 18 ans spécialisée dans le secteur du digital, un de mes plus gros clients s’est séparé de nous. C’était en 2018. Le secteur de la communication était alors économiquement complexe et difficile. Je n’ai pas su rebondir à temps. J’ai donc déposé le bilan, cette même année.
J’ai fait, en revanche, tout ce que j’avais en mon pouvoir pour survivre : diminution des dépenses, licenciement, fin des contrats de prestations… . Ces initiatives, j’étais obligée de les prendre. Mais c’est surtout, après le dépôt de bilan qu’ont commencé les vraies complications. Il était important que je garde la tête hors de l’eau et que je ne parte pas dans des idées noires.
L’avantage de mon métier, c’est que je m’étais construit une forte communauté. Rien que sur Twitter, je suis suivi par plus de 7 500 personnes (sourire) ! Ainsi, j’étais en veille constante. D’ailleurs, il est important pour une cheffe d’entreprise d’être curieuse. Sans cela, il nous manque une corde à notre arc.
De là, je me suis aperçue qu’il y avait des tendances. Des sujets dans le secteur du digital et des Médias qui méritaient d’être plus visibles et connus. J’ai donc eu la chance d’être au bon endroit, au bon moment (sourire).
En 2019, j’ai organisé la 1e conférence sur le thème des robots et de l’intelligence artificielle au service du journalisme. Ça a été un vrai succès ! Au début j’étais partie sur une simple table ronde mais au final, ça c’est fini en conférence avec de grosses têtes d’affiche comme le Directeur de la Prospective de France télévision.
Ce qui a permis l’événement ? La communauté. Au final, c’est comme ça que j’ai réussi à rebondir, grâce à ma communauté.
Que s’est-il passé ensuite ?
Je me posais de réelles questions sur mon futur, tout en continuant d’être très active sur Twitter. Je me plaisais aussi à défendre la cause des femmes.
J’étais déjà Présidente de l’association Action’Elles, d’Ile-de-France. Période pendant laquelle, on mettait l’accent sur le développement des entreprises – en France, nous sommes très bons pour parler de création mais beaucoup moins, lorsqu’il faut aborder le développement d’une entreprise -. Dans ce cadre-là, j’avais mis en place une stratégie de valorisation des membres de l’association. On faisait alors intervenir les femmes entrepreneures pendant des soirées, pour qu’elles nous évoquent leurs points de réussite (articles dans la presse, un nouveau client, etc). Ça été une vraie réussite (sourire) ! À mon sens, la valorisation des femmes dans l’entreprise est un vrai sujet. Il ne faut pas l’occulter.
Enfin l’année dernière, j’ai rencontré les Rebondisseurs Français. Aujourd’hui, j’en suis membre et je travaille avec un grand groupe dans l’énergie. Je vais donc créer une nouvelle agence (sourire).
2- Donc si je résume, ce qui vous a permis de rebondir, c’est surtout votre communauté ?
Complètement (sourire) ! À l’exception de ma dernière cliente, puisque c’est quelqu’un que j’ai connu lors d’événements que je créais pour me faire connaître. Donc oui, mon réseau est mon bâton de berger. Bien évidemment, tout ça ne s’est pas fait en un jour ! Un réseau ça se construit, ça se travaille. C’est avant tout, de l’humain.
3- Quelles sont justement, les astuces pour avoir une bonne communauté. Un bon réseau qui puisse permettre de rebondir ?
Je suis devenue Twittos en 2011. À la base, ce compte ne me servait qu’à être en veille sur mon marché. Il me servait à trouver des experts de mon secteur. Je faisais du qualitatif. C’est primordial et ça paie ! Seulement à partir du moment où vous repérez des experts, des articles intéressants, que vous les partagez, que vous donnez votre avis et que vous demandez des conseils à d’autres. Ça, ça favorise votre réseau.
C’est donc comme ça que j’ai créé mes premiers 500 followers. Au fur et à mesure, vous créez une relation (digitale ou présentielle) qui vous emmène vers d’autres rencontres.
Donc la clé, c’est de s’entourer d’experts de son secteur, de chercher des informations qualitatives, de les partager et de se montrer ?
Tout à fait (sourire) ! Mis à part que l’objectif premier n’est pas de se faire voir.
Il est de valoriser le contenu, les informations des autres. Valoriser un contenu, c’est valoriser indirectement la personne qui l’a rédigé. Cela permet de dire « Elle/Il est expert en ». Les réseaux sociaux professionnels ne sont pas là pour se valoriser soi-même, mais valoriser son savoir et son expertise.
4- Et avant le rebond, quels sont les signaux sur lesquels les entrepreneurs doivent se concentrer pour ne pas être en situation d’échec ?
Je suis franco-anglaise. J’ai beaucoup travaillé pour des entreprises américaines donc l’échec, je ne sais pas ce que c’est. À vrai dire, il ne fait pas partie de mon vocabulaire. Je trouve d’ailleurs, qu’il est très dur. Et je pense vraiment que quand vous avez 18 ans d’entrepreneuriat derrière vous, vous n’avez pas échoué. Me concernant, c’était une malchance économique.
Pour les signes, je pense que c’est tout à chacun. Pour ma part, je suis quelqu’un d’optimiste… Peut-être trop optimiste. Ça m’a porté préjudice (sourire).
Je dirais donc que la 1e chose à faire est de garder un œil sur sa trésorerie. La mienne en avait pris un coup au moment de la crise liée à Lehman Brothers, en 2008. Pendant un an, le téléphone n’a pas sonné. C’était foudroyant ! Ce qui m’en vient à dire qu’il est important de toujours se remettre en question. Pas en doute mais en question, pour se renouveler. Surtout en période de crise ! Car pendant cette période, vous êtes sur un terrain sableux. Vous pensez avancer mais en fait, vous reculez. Vous vous enfoncez. Quand mon comptable m’a dit de tout arrêter, j’étais fatiguée. J’étais usée.
5- Quel a été justement votre ressenti à cette période ? À mon sens, on a trop tendance à ne pas voir ou comprendre les chefs d’entreprise dans une période de dépôt de bilan.
Très simple (sourire) ! À partir du moment où j’ai pris la décision de faire une cessation de paiement, je me suis sentie soulagée. Au final ce qui me faisait le plus mal, c’était de ne pas pouvoir payer mes deux prestataires. J’étais stressée, tous les jours, d’attendre le facteur et de voir de nouvelles lettres recommandées arriver.
Pendant le dépôt de bilan, c’était une autre sensation. Je faisais face au mandataire de mon dossier, là pour étudier les comptes de ma société. C’est une phase compliquée où vous êtes bousculée. On vous pose beaucoup de questions. Ajoutez à ça, un chômage inexistant puisque j’étais en libéral… Ça fait très très mal. Pour moi, c’est l’intégralité du système français qui accentue ce mal-être des chefs d’entreprise.
Émotionnellement, c’est quand même une étape difficile de fermer son entreprise. On se sent complètement seule. Vous n’êtes plus rien, d’un seul coup d’un seul. Vous devenez un simple numéro. D’ailleurs, revenir sur le marché du travail est tout aussi difficile. Vous faites peur ! D’autant plus si vous êtes une femme et une cheffe d’entreprise. Psychologiquement, c’est très dure ! Rebondir est très long et dépend aussi des personnes. Pour ma part, j’ai réussi à sortir la tête de l’eau.
Que vous ont apporté vos différents échecs ?
Ils m’ont beaucoup apporté ! Le fait d’être plus curieuse, plus en veille, cette liberté de pouvoir regarder ailleurs et autrement. Quand vous êtes une cheffe d’entreprise, vous n’avez pas le temps de regarder ailleurs. Pourtant lorsque vous êtes en dépôt de bilan, c’est la solution à votre problème. C’est un atout ! Cela apporte de la légèreté dans votre quotidien. Vous prenez donc plus de recul. Finalement, votre échec sert d’expérience.
6- Si vous aviez des conseils à donner à des entrepreneurs qui, aujourd’hui, connaissent peut-être des difficultés dans leur entreprise, qu’est ce que vous leur diriez ?
D’entretenir leur réseau : il faut faire attention aux signaux qui peuvent vous alerter des difficultés potentielles. Cela évite aussi de perdre du temps. Mais ce qui fait un vrai rebond dépend surtout de la personne, de sa résilience, de son entourage, de son réseau… Je ne suis pas sûre, toutefois, que de dire à une personne en échec d’être résiliente se comprend vraiment. À mon sens, la résilience arrive en seconde partie. Donc je dirai que ce qui prime, c’est surtout le réseau. Entretenir son réseau.