Les universités et les écoles doivent-elles enseigner l’entrepreneuriat à leurs étudiants ? C’est aujourd’hui la question que tout le monde se pose, notamment pour tenter de développer le goût pour la création d’entreprise chez les Français. Une question à laquelle il est encore difficile de répondre, tant les avis sont divergents.
Le gouvernement actuel de la France n’est pas le seul à avoir œuvré en faveur de l’entrepreneuriat. Les deux gouvernements précédents en ont fait de même, en lançant des programmes de rapprochement entre les écoles et les entreprises, ainsi que des modules d’enseignement spécialisé sur l’entrepreneuriat, à l’université. Aussi la question centrale, également le sujet principal du livre « Business Model » d’Olivia Chambard, est de savoir si l’entrepreneuriat peut s’enseigner ?
L’esprit d’entreprendre, inné ou enseigné ?
Inculquer un esprit entrepreneurial est devenu depuis quelques années, une idée populaire en France. Mais cet esprit d’initiative peut-il vraiment être enseigné ? Ne dit-on pas qu’il est inné ?
En réalité en politique comme en entrepreneuriat, il y a une forte divergence philosophique. D’un côté, il y a ceux qui perçoivent l’entrepreneuriat comme quelque chose d’inné. De l’autre, ceux qui pensent que reformer l’éducation, en consacrant un temps spécifique à l’entrepreneuriat, la créativité et l’initiative, favoriserait la création d’entreprise. Ainsi, l’un des défis majeurs des enseignants serait d’aider les étudiants à développer leur sensibilité créative. Mais est-ce suffisant ?
Peut-on apprendre à apprendre ?
Le livre d’Olivia Chambard, quoique polémique sur la question de la hiérarchie du savoir (savoir pur) par rapport aux compétences mobilisées pour entreprendre (autonomie, créativité, capacité d’adaptation…), est une bonne étude ethnologique et socio-historique. Car tout entrepreneur peut se nourrir d’un savoir dit « gratuit », et avoir besoin de compétences et de connaissances spécifiques pour créer son entreprise. Ce n’est, selon l’auteure, pas antinomique.
Mais peut-on vraiment apprendre à apprendre ? Devenir gestionnaire de sa propre entreprise ne se fait pas en un jour. L’entrepreneur doit d’abord apprendre à être multitâche. Des compétences qui parfois, voire souvent, n’ont rien à voir avec son expertise ou avec sa formation professionnelle : comptabilité, gestion, administration, marketing etc…
Enseigner l’entrepreneuriat pourrait donc difficilement se faire, si ce n’est, en développant chez les porteurs de projet des compétences pratiques comme le développement des attitudes, les comportements et les aptitudes à l’initiative.
Enseigner l’entrepreneuriat autrement, la clé de réussite
Certaines études avancent même, que pour former des porteurs de projet, il faut enseigner autrement : en transformant l’enseignement traditionnel, de façon à impliquer l’entrepreneur dans ses apprentissages. Les enseignants deviendraient alors des coachs qui personnaliseraient et adapteraient la formation, selon les besoins du futur créateur d’entreprises. De cette façon, l’entrepreneur apprendrait à développer des compétences essentielles à son affaire et retiendrait des notions utiles pour son entreprise.
Ainsi pour enseigner l’entrepreneuriat, il faudrait accentuer la formation par l’acquisition d’un profil de compétences comportementales et d’attitudes, qui dépassent les compétences pratiques : flairer les bonnes affaires, capacité à passer à l’action, confiance en soi, apprendre de ses échecs… Ce sont ici, des choses qui ne peuvent s’apprendre en classe mais sur le terrain, avec le temps.
Des enseignants, pas tous entreprenants
Mais les enseignants sont-ils prêts et outillés pour ça ? Telle est toute la question. Encore aujourd’hui, certains enseignants ne voient pas l’intérêt pédagogique de créer un projet. Pour eux, le plus intéressant serait d’enseigner le fonctionnement de l’économie. Revenir donc, à un enseignement plus « traditionnel ».
Pourtant, il n’est pas rare de trouver l’esprit d’entreprendre sur les bancs de l’école ou des universités. Encore aujourd’hui, des pistes existent. Et cela, dès le collège : trafic de cartes en tous genres, recèle de vidéos, élevage de Pokémon, ventes d’exercices corrigés, vente de diplômes…
En somme, la réelle question ne serait-elle pas de savoir ce qu’il faudrait exactement enseigner aux porteurs de projet ? Car comme tous les autres métiers, apprendre les bases de la création d’entreprise n’est pas forcément un gage de succès. C’est un moyen d’aider les entrepreneurs à exercer leur métier et à se développer. Enseigner de nouveaux traits de personnalités est quelque chose de très difficile. Mais apprendre des techniques universelles, est simple. Apprendre l’entrepreneuriat sera donc possible, dès lors que nous aurons créé des outils pour démocratiser et baliser l’apprentissage de ce métier.