Amélie Schieber est cofondatrice et présidente de Tiime. Une entreprise de la Fintech (technologie financière) qui crée des outils numériques pour simplifier la gestion comptable des entrepreneurs. Amélie raconte l’envers du décor de ce métier en tant que femme dans un domaine largement dominé par les hommes.
Amélie, comment fait-on pour s’imposer dans un secteur comme la Fintech, encore fortement masculinisé aujourd’hui ?
Je n’ai pas de recette toute faite (sourire). Mon arrivée chez Tiime s’est faite par opportunité, en lien avec mon parcours professionnel et mes expériences de vie. Tiime existe depuis 2015. Avant cela, je travaillais avec Arnaud Doillon au sein d’un cabinet d’expertise comptable, L-Expert-Comptable.com, où j’ai eu la chance de rejoindre faire partie de l’entreprise dès sa création. Au départ, nous n’étions qu’une petite équipe d’une dizaine de personnes.
Le cabinet a connu une croissance rapide grâce à sa forte visibilité sur Internet, dès 2009. L’une des clés de son succès, c’était l’usage d’outils numériques qui a été, en quelque sorte, les prémices de ce qu’est aujourd’hui Tiime. À l’époque, nous avons réalisé qu’il fallait aller plus loin que ce que nous faisions déjà avec L-Expert-Comptable.com. Pour développer pleinement nos outils numériques, il devenait nécessaire de s’y consacrer entièrement. C’est de là qu’est née l’idée de séparer l’activité comptable de celle dédiée à la création de logiciels, ce que nous faisons aujourd’hui chez Tiime.
Ce projet a vu le jour en collaboration avec Arnaud Doillon, Maxime Digue, Grégoire Lambin et deux autres associés. Je ne me suis pas imposée dans cette aventure : c’est le fruit d’un véritable travail d’équipe. J’étais la seule femme, c’est vrai, mais j’apportais une compétence essentielle qui manquait à l’époque : la vision commerciale. (sourire)
Quel constat faites-vous aujourd’hui sur le secteur de la Fintech ?
Le secteur de la Fintech reste très clairement encore masculin, en particulier dans les postes de direction. De manière générale, il y a assez peu de femmes. J’en côtoie très peu. Pourtant, je participe régulièrement à des événements liés à l’entrepreneuriat féminin et à la Fintech mais, le constat est toujours le même : les femmes sont peu représentées dans ces deux univers, et encore bien moins lorsqu’il s’agit de postes stratégiques.
Vous appliquez un management dit « libéré ». En quoi consiste-t-il concrètement ? Quels en sont les avantages et les limites ?
Depuis 2017, nous avons repensé toute l’organisation interne de l’entreprise. Elle n’a jamais été très pyramidale et hiérarchisée, mais à l’époque, nous faisions face à des difficultés de recrutement. Notamment pour des profils très demandés, comme les data scientists ou les développeurs. Ne faisant pas de levées de fonds, nous ne pouvions pas rivaliser financièrement avec nos concurrents. Cela nous a poussés à revoir notre manière de fonctionner. Nous avons donc décidé de remettre le bien-être des collaborateurs au centre de notre stratégie. Après nous être documentés, nous avons bâti notre propre culture d’entreprise autour de cinq piliers :
- La flexibilité sur le lieu de travail ; chacun peut travailler d’où il veut, y compris en vacances.
- Pas d’horaires fixes. Pas de contrainte dans les absences ;
- Pas de compteur de congés payés.
- Pas de hiérarchie ; personne n’a de pouvoir sur les autres.
- Et une rémunération libre ; chacun choisit son salaire qui peut évoluer tous les mois.
L’avantage de cette formule managériale, c’est que ça fonctionne très bien. Nos salariés y adhèrent pleinement. L’inconvénient, par contre, c’est que ce modèle ne convient pas à tout le monde : il demande une grande responsabilisation et une grande autonomie.
Ce modèle de liberté se reflète-t-il aussi dans vos services ?
Oui, tout à fait. Nous avons été les premiers à proposer une solution tout-en-un destinée aux experts comptables et à leurs clients. Notre outil reste fidèle à notre philosophie : il est simple, intuitif, et ne nécessite quasiment pas de formation. Il ne s’adresse pas à toutes les structures, mais il convient parfaitement à 80-90% des entreprises françaises. Notamment les micro-entreprises et les TPE. Notre ambition est de faciliter la vie des entrepreneurs comme celle des experts-comptables.
Pourquoi est-il essentiel aujourd’hui d’être différent ?
Nous nous démarquons d’abord par notre structure. Ne faisant pas de levées de fonds, contrairement à nos concurrents, on doit donc adopter une approche client et collaborateur différente. Cela se traduit par des choix forts : la simplicité, l’accessibilité financière et une culture d’entreprise singulière. Nous sommes un peu un ovni dans le paysage de la Fintech (rire).
Quel conseil donneriez-vous à une femme qui souhaite entreprendre ?
De se faire confiance ! : Surtout tester, se lancer, même si on pense que le moment n’est pas idéal. Les femmes ont un super-pouvoir organisationnel qui, je pense, est une véritable force. Pour moi, des équipes sans femme ce sont des équipes qui marchent moins bien (rire) !
Il manque encore beaucoup de femmes dans le domaine de l’entrepreneuriat ou même, dans des métiers qui ne sont soi-disant pas féminins. Je pense qu’on a encore beaucoup de travail à faire sur ce sujet. Notamment par l’éducation mais aussi la confiance en soi, et en nos capacités.
Amélie Schieber retrace un parcours entrepreneurial construit sur l’expérience, la collaboration et l’innovation. À travers Tiime, elle illustre ainsi une autre manière de penser l’organisation du travail et la relation client. Par ailleurs, son témoignage met en lumière les défis encore bien présents pour les femmes dans certains secteurs, en particulier celui de la Fintech.