Vanessa Letort est négociante de vins nature. Après avoir collaboré chez les Vins Pirouettes, elle décide de continuer l’aventure avec son propre négoce, Du Vin aux Liens, qu’elle crée en 2020 en Alsace. Femme de caractère, elle souhaite repenser son entreprise et son vin avec des valeurs fortes.
1- Vanessa, pourquoi te lancer dans le négoce de vin nature avec du Vin aux Liens ?
Au cours de mon expérience au sein des Vins Pirouettes, j’y ai appris qu’il était possible de faire du vin sans avoir de vignes : acheter des raisins pour le vinifier et créer une marque, et réaliser des cuvées en partenariat avec les vignerons, afin de les commercialiser sous mon nom de marque.
Pour moi qui n’était pas de ce milieu, c’était une magnifique opportunité d’entretenir des relations privilégiées avec des vignerons que j’apprécient beaucoup ! Apprendre à leur contact et proposer des vins qui sortaient des sentiers battus étaient ce qui me plaisait le plus.
Du Vin aux Liens n’est donc pas anodin (sourire). Ce nom de marque illustre les diverses rencontres professionnelles que j’ai pu avoir dans mon parcours : d’abord dans la commercialisation du vin puis ensuite, dans sa production.
Aujourd’hui, je vinifie mes propres cuvées. Je suis même en train de créer un domaine viticole en Lorraine avec deux acolytes, Farid Yahimi et Naoufel Zaïm. Donc oui, rien ne se fait sans ces liens (sourire).
Pour moi, le vin “nature” est primordial. Dans un raisin sain, il y a tout pour faire du bon vin ! La palette gustative des vins natures est beaucoup plus riche que celle des vins dits “conventionnels” qui sont en fait, standardisés. Les vins nature sont des vins de vignerons engagés, des vins d’artisans. Des vins dont j’apprécie l’esthétique et que j’aime boire.
2- Est-ce aussi pour cet esprit “artisanal” que tu as décidé de faire du négoce et de créer ton domaine ?
Tout à fait (sourire) ! Le fait de produire mon vin me touche peut-être parce que je suis fille et petite-fille de paysans bretons. Je reviens ainsi à mes origines. Même si cela ne s’est pas fait du jour au lendemain.
Je suis d’abord entrée dans le milieu du vin par le biais de sa commercialisation. J’étais mobilisée pour promouvoir le travail des vignerons artisans qui ont fait le choix des vinifications naturelles.
Puis, j’ai eu une pointe d’envie. L’envie de faire mon propre vin. Je les voyais travailler en cave, leur savoir-faire a piqué ma curiosité. Je trouvais l’univers ludique. J’avais ce désir de produire pour ensuite partager avec les autres. J’étais curieuse de voir comment ma personnalité pouvait s’exprimer dans le vin. Aujourd’hui, je crée un domaine en Lorraine. Je deviens donc vigneronne à part entière (sourire). Là, j’ai la possibilité de produire moi-même mon raisin et de le vinifier. Je suis aux anges !
3- Que cherches-tu à faire ou à démontrer à travers ton entreprise ?
Spontanément, je dirais que je veux démontrer que j’en suis capable (sourire). J’ai traversé certaines épreuves professionnelles, il était donc important pour moi de rebondir. Alors oui, j’ai des engagements qui sont sociaux et environnementaux, mais c’est aussi un engagement envers moi-même que je vis à travers ma société.
Avoir créé mon propre négoce de vin, c’est un peu une forme de revanche. Aujourd’hui, je mène mon entreprise en cohérence avec mes valeurs : authenticité et équité. Prendre soin de notre environnement et de la qualité des relations professionnelles sont au coeur de mon projet.
4- Penses-tu qu’aujourd’hui il soit urgent de penser la viticulture d’une autre façon ? Pourquoi ?
Oui, je pense que c’est devenu un essentiel. La viticulture est confrontée, elle aussi, à des problématiques environnementales et économiques qui nous obligent à questionner nos savoirs, nos pratiques.
Il n’y a donc pas de petits gestes. Et cela se réfléchit dès le stade de production du vin : nous devrions tous « en profiter » pour nourrir nos sols, développer la biodiversité, embellir nos contrées… Pourquoi pas remettre en question la monoculture, par exemple ?
J’admire les vignerons qui plantent des arbres, ont des animaux sur le domaine, prennent le temps de réfléchir à chacun de leur geste, à leur impact… C’est comme cela que j’envisage la viticulture de demain.
5- Si tu avais un conseil à donner à des femmes qui entreprennent pour défendre une conviction, qu’est-ce que tu leur dirais ?
De rester concentrées sur leurs objectifs : Je les encourage à 100%. Les femmes ont toujours été présentes mais souvent, en retrait. Dans la viticulture, le savoir-faire était transmis aux hommes. Rarement aux femmes. En tant que vigneronne, je dois trouver le matériel adapté, organiser mon travail en fonction de mes capacités physiques et ne pas prêter attention aux “railleries” de mes pairs – hommes ou femmes d’ailleurs ! C’est important de rester concentrée sur l’essentiel pour réussir.