C’est une première en France ! Du 26 février au 8 mars dernier, la Fondation des femmes organisait son tour de France, en train. Le but ? Réunir les associations et le grand public autour de l’égalité femmes-hommes. Au programme : violence faite aux femmes, inégalité mais surtout, emploi, entrepreneuriat et empowerment.
Il est 9h30, Gare de Strasbourg ce 5 mars. Un train unique en son genre est arrêté sur le quai numéro 1. Du violet sur toute sa longueur, le Train de l’Égalité arbore fièrement les couleurs de la thématique qu’il porte. Un concept original pour un but bien précis : faire se rencontrer les associations de lutte pour le droit des femmes et le public. “Nous voulons sensibiliser à la question de l’égalité entre les hommes et les femmes et regrouper les associations qui œuvrent sur les thématiques liées aux droits des femmes”, explique Anne-Cécile Mailfert, Présidente de la Fondation des Femmes. Rien de tel qu’un train et 6 wagons aménagés pour l’occasion, pour accueillir une exposition, des stands et même une salle de conférence sur le sujet.
Parmi les thématiques, on retrouve les violences faites aux femmes ou les inégalités. Des sujets habituels où s’est glissée une thématique encore peu abordée dans les médias, l’empowerment. Comprenez, « l’autonomisation des femmes » en français.
Il faut dire que, quand on regarde les chiffres, les femmes arrivent – pour une fois ! – en tête des sondages… Mais pas pour les bonnes raisons. Ainsi, les personnes les plus précaires en France seraient à 71% des femmes. Les rendre autonomes financièrement, c’est donc l’un des points clés pour diminuer les inégalités. Et à ce stade, la création d’entreprise est perçue comme une bonne alternative.
Le Grand Est mise sur l’empowerment par l’entrepreneuriat
Selon Denis Roth-Fichet, directeur aux droits des femmes et à l’égalité dans le Grand Est, “La promotion de l’entrepreneuriat féminin est l’un des moyens efficaces d’accroître l’égalité entre les hommes et les femmes et de participer à l’autonomisation économique des femmes”. Un axe d’action pour lequel le Grand Est a déployé de nombreux moyens : des aides au financement facilités, des accompagnements dédiés, des appels à projet genrés ou encore, de l’engagement aux côtés des acteurs de l’entrepreneuriat. Une stratégie qui paye puisque le taux de femmes entrepreneures atteint désormais les 36%. Un record pour la Grande Région qui arrache la 6e place du classement, devant les Pays de la Loire, avec 8 901 entités créées au dernier trimestre 2021.
Il faut dire que sur le papier, le développement de l’entrepreneuriat féminin favoriserait la création de l’emploi, l’innovation technologique et la croissance. Mais pour les femmes, ce serait également un symbole d’émancipation. “Aujourd’hui, je suis davantage flexible. Je peux choisir comment et avec qui je travaille sans avoir besoin de rendre des comptes”, expliquait Nathalie Grimaud-Morvillez de Maman Digitale. Pour autant, l’émancipation ne rime pas forcément avec autonomisation financière dans la Grande Région.
La stabilité financière par l’entrepreneuriat, une désillusion ?
Avec la quête de l’entrepreneuriat vient souvent la promesse d’une stabilité financière. C’est d’ailleurs, ce que prône le Grand Est dans ses actions pour l’autonomisation des femmes par l’entrepreneuriat au Togo.
Seulement voilà, sur le terrain, les rêves laissent parfois place à une réalité bien différente. “J’ai officiellement créé mon entreprise en janvier 2021. Je rémunère mes deux alternants mais, je ne peux pas encore me verser de salaire”, témoignage de Marie Eppe, fondatrice de l’entreprise In Extremis.
Il faut dire qu’en moyenne, les femmes sont 30% à gagner moitié moins que le SMIC contre 26% des hommes, selon l’INSEE. Elles toucheraient en moyenne 1 500 euros hors taxes. Soit 7 euros de l’heure, selon l’étude 2021 de Bouge ta Boite et la Chair Fere. Des statistiques qui s’expliquent d’abord, par le fait qu’elles ne représentent que 76% des enterprises individuelles dans le Grand Est. Elles sont également, 6 fois plus nombreuses que les hommes à exercer sous le statut de “conjoint collaborateur agricole ou artisans, de commerçant ou de profession libérale”. Pourtant, l’entrepreneuriat semblerait être un bon moyen de favoriser l’autonomisation des femmes. Notamment, de celles victimes de violences.
L’empowerment pour lutter contre les violences
Les différents confinements ont marqué une hausse des violences faites aux femmes dans le Grand Est. Depuis 2020, 71% des violences signalées au Centre d’Information sur les droits des femmes et des familles (CIDFF) étaient au sein du couple : 27,5% d’ordre psychologique ; 24% d’ordre physique.
Des traumatismes qui conduisent souvent à une exclusion sociale puisque elles sont coupées de tous liens sociaux par leurs conjoints. Dépendantes financièrement de ces derniers, elles sont la plupart du temps au chômage. “Celles qui travaillent vont avoir du mal à se concentrer ou à effectuer correctement leur travail”, précise Lola Mehl du CDIFF Grand Est. Pourtant les femmes victimes de violence, accompagnées vers l’entrepreneuriat, auraient davantage tendance à (re)trouver confiance en elles et à s’émanciper financièrement.
Une réalité pour Juliette, jeune Strasbourgeoise. À 29 ans, elle vient tout juste de monter son entreprise après être sortie d’une situation d’emprise. “J’ai été victime de violence de la part de mon ex-compagnon. J’en suis sortie complètement débousolée. Je me suis tournée vers le CDIFF. Ils m’ont orientée pour les démarches et mon permis d’être suivie par un coach. Il m’a fallu plusieurs mois pour reprendre confiance en moi. Finalement, l’entrepreneuriat a été un moyen de me prouver que je pouvais passer à autre chose”.
Un processus émancipateur qui porterait ses fruits dans le Grand Est. Pour autant, Jean Rottner, Président de la Région Grand Est, le reconnaissait le 8 mars dernier “On a encore beaucoup à faire pour atteindre l’égalité femme-homme dans l’entrepreneuriat”.
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