Dans le Grand Est, les femmes sont peu nombreuses à tenter l’aventure de l’innovation. Pourtant depuis quelques années, les incubateurs sont pris d’assauts par une part grandissante d’entrepreneures alsaciennes. L’incubation est-elle donc devenue une étude à ciel ouvert de l’évolution de l’entrepreneuriat féminin ?
Si la part des femmes dans l’innovation stagne à 10% dans le Grand Est, la part des entrepreneures incubées, elle, ne cesse d’augmenter. “Quand je suis arrivée au SEMIA, en 2018, on avait parfois des promotions 100% masculine. Aujourd’hui, on a clairement une diversification. Pareil du côté des projets proposés. On a longtemps vu des projets qui tournaient surtout autour du bien être. Aujourd’hui, on en voit dans tous les domaines”, précise Laura Lehmann, Présidente du SEMIA.
Une question de légitimité moins légitime ?
La moyenne d’âge aussi, diminue avec le temps. Elle passe en dessous de la barre des 40 ans. Et avec elle, la question de la légitimité semble s’estomper petit à petit. “Les plus jeunes ne se posent même plus la question. Elles communiquent très bien. Elles n’ont pas peur de se créer un personnal branding. C’est une force. Comme ça, elles bénéficient d’une visibilité. ”, observe Laura Lehmann.
Si les chiffres nationaux affichent une certaine désolation, l’Alsace bénéficie depuis deux ans d’une évolution bénéfique. “Au niveau des levées de fonds par exemple, l’écart a beaucoup diminué. On ne voit presque pas de différence”, se réjouit-t ’elle, avant d’ajouter : “Ça fonctionne aussi, parce qu’il y a un réseau et une dynamique globale entre les incubateurs, la région, la BPI et des structures comme Biovalley, les universités, etc. Et ça, ça n’a été possible que parce que ces organismes ont appris, et apprennent encore, à travailler ensemble”.
L’incubateur, levier et accompagnement des entrepreneurs
« Aidez les femmes et elles entreprendront« , c’est ce qui ressort d’une réflexion menée par l’Union européenne… Mais dans le Grand Est ? “Les aides mises en place par la région ont clairement aidé. Et ces n’est pas seulement par rapport à l’entrepreneuriat féminin. On a vu des profils différents passer le pas. C’est ça qui est remarquable !”, observe Laura Lehmann.
L’incubateur vient donc jouer un rôle d’orientation. « Ce n’est pas parce qu’on a une idée, qu’on sait gérer une entreprise ou manager des salariés. L’incubateur, est alors un bon moyen de nous aider à développer ces compétences« , avoue Charles-Antoine Robert, co-fondateur de Anam’note.
Les entrepreneurs qui proposent un projet peuvent ainsi tester sa faisabilité, avant de sauter dans le bain. “Il faut en moyenne 2 ans d’incubation. Chaque projet à des problématiques propres. Le but est donc de comprendre le besoin et les problématiques de chaque entrepreneur. On les aides à comprendre comment ils peuvent faire évoluer leur projet”, explique Laura Lehmann.
Avant de “changer le monde”, les entrepreneurs passent par une phase de réflexion sur la cohérence du projet. Mais surtout, sur la faisabilité. Car qui dit innovation, dit prise de risque affirme Laura Lehmann. “Parfois, on a des projets qui ne sont pas réalisables à cause de la législation, de la règlementation ou des matériaux utilisés”. L’incubateur a alors pour rôle d’informer l’entrepreneur et d’orienter le projet sur la réalité du monde. “Si ce qui bloque, c’est le produit utilisé, on propose à l’entrepreneur d’adapter son produit à la législation. Et bien sur, de se tenir près, au cas où celle-ci évolue. Parier sur l’évolution de la règlementation, veut dire prendre le risque de perdre plusieurs années. Et ça, ça a un coût”.
Si les entrepreneures alsaciennes sont encore peu nombreuses dans l’innovation, le vent tourne. Les promotions des incubateurs se remplissent au rythme de l’évolution sociétale. Plus jeunes et davantage confiantes en leur légitimité, les femmes osent désormais entreprendre. Les incubateurs seraient-ils alors, les témoins privilégiés de l’envie d’entreprendre des entrepreneures alsaciennes ?
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