Elle est souvent ressentie mais peu reconnue. La charge mentale est devenue, en quelques années, l’un des maux de notre société les plus banalisés. Accentué avec la démocratisation du télétravail, le sujet commence peu à peu à sortir des bureaux, pour devenir une problématique d’actualité. À l’occasion de la Journée mondiale de la santé mentale du 10 octobre, on vous parle de ce mal qui touche 1 français sur 5.
Aller chercher les enfants à l’école, gérer un problème administratif, rendre des dossiers qui traînent sur notre bureau…Tout le monde connaît ces journées bien remplies où il faudrait plus de 24h pour réussir à boucler son programme.
Vous vous reconnaissez dans cette description? Il se peut que comme 20% des Français, vous soyez victime de ce qu’on appelle la charge mentale. Difficile à détecter car, partant d’un ressenti, elle joue profondément sur votre moral et sur vos vies. Mal du 21e siècle, le sujet ne date pourtant pas d’hier.
La charge mentale, qu’est-ce-que c’est ?
Pourtant, tout le monde a une idée différente de ce qu’est la charge mentale. Pour 41% des Français, il s’agit de la gestion, l’organisation et de la planification continue du foyer. Une charge encore bien souvent portée par les femmes, quand les hommes auraient tendance à l’associer davantage au stress et à la charge de travail. Pour d’autres encore, il s’agit du fait d’avoir du mal à séparer vie professionnelle et vie personnelle. Mais qu’en est-il vraiment ?
“À l’origine, le concept de charge mentale vient de la psychologie cognitive et désigne l’effort mental que fournit un individu pour réaliser une tâche” explique Valérie Thackeray, enseignante chercheurse en sociologie à l’Université de Lorraine.
Un effort mental qui s’accompagne généralement de conséquences importantes. Pour 73% des Français, elle s’accompagnerait d’une fatigue continue, pour 59% s’ajouterait du stress et enfin pour 56% d’entre eux, affecterait leur humeur. “Sur la durée, ils peuvent ressentir du stress chronique, des troubles du sommeil ou de l’appétit jusqu’à l’épuisement professionnel qu’on appelle le burn out” commente Emmanuelle Camps, Docteur en Psychologie Sociale et du Travail, auteur du Sens du travail et rapports vie de travail – vie hors travail.
Les réseaux et la mobilité, des facteurs aggravants ?
Pouvoir travailler d’où on veut, être davantage flexible, qui aurait pu croire que l’augmentation de la mobilité au travail nous faciliterait la vie ? En nous rendant davantage disponibles, elle a aussi commencé à empiéter sur notre vie privée.
Écrire un e-mail à la maison, répondre à un appel à 20h n’a jamais été aussi facile, jusqu’à empiéter sur notre vie privée. Un phénomène qui s’est aggravé pendant la pandémie. « L’impact de la charge mentale est d’autant plus important à partir du moment où il n’y a pas de scission entre le travail et la vie personnelle. Elle est plus importante en cas de télétravail essentiellement à domicile, surtout quand les conditions d’un bon travail ne sont pas réunies » rappelle Emmanuelle Camps.
Une double peine pour les femmes
“À l’origine, le concept de charge mentale était d’abord appliqué dans le monde du travail. Il a été popularisé par les mouvements féministes, pour parler de la charge mentale des femmes” explique Valérie Thackeray.
En effet, 8 femmes sur 10 se sentiraient constamment sollicitées. Une tendance qui s’est légèrement intensifiée chez les mères, pendant la Covid, selon une étude réalisée par l’Institut Ifop et Mooncare en juin 2021. L’indice de charge mentale des femmes serait en moyenne de 4,9/10 contre 4,5/10 pour les hommes. Et pour 80% d’entre elles, le fait d’avoir des enfants serait un facteur aggravant.
Une tendance que confirme Michèle Kunegel, Représentante de Est’Elles Excecutive « Avec la généralisation du télétravail, une majorité de femmes a dû combiner travail et gestion de la vie de famille ». C’est ce qu’on appelle en termes communs le principe de la double journée, évoquée pour la première fois par Monique Haicault dans son article La Gestion ordinaire de la vie à deux (publié en 1984). Elle y révèle une autre vision de la charge mentale. Les femmes, en plus de combiner travail et gestion de la vie de famille, finiraient par également emmener au travail les tâches du foyer. Et quand elles se retrouvent en situation de télétravail, la frontière s’amoindrit encore davantage.
La charge mentale des femmes a donc été mise en lumière ces dernières années, au point que l’illustratrice Emma, le caricature dans sa dernière bande dessinée.
Que faire pour diminuer la charge mentale ?
Le cerveau est un muscle comme un autre. Même s’il est entraîné à être sollicité, il n’est pas rare qu’il subisse un claquage, qui engendre par la suite un burn-out. “Si vous vous sentez fatiguée constamment, que vous ne prenez plus de plaisir à travailler et que vous prenez beaucoup de cigarette ou de café pour tenir, c’est qu’il est temps de faire une pause” conseille Emmanuelle Camps.
Dans ces moments-là, l’idéal serait de partir en vacances quelques jours. Quand ce n’est pas possible, il existe des astuces simples à appliquer : le lâcher prise. Une technique de hiérarchisation de ce qui est urgent et de ce qui peut être fait plus tard ; l’aménagement d’un espace de travail propice à la concentration et des horaires de travail fixes. Des aménagements d’autant plus importants, si le télétravail est encore omniprésent.
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