Sylvie D’Alguerre est Déléguée chargée de l’égalité femme-homme de la région Grand Est. Pour elle, la création du programme “Elles osent en Grand Est” est une opportunité de montrer aux femmes, par un accompagnement basé sur le leadership, qu’elles peuvent réussir et s’autoriser à mener à bien des projets. Une façon, pour cette cheffe d’entreprise, d’aider à soutenir l’entrepreneuriat féminin.
1- Madame D’Alguerre, comment se porte l’entrepreneuriat dans le Grand Est ?
Je n’ai pas de chiffre à proprement dit. Ce que je sais, c’est qu’au titre de la région Grand Est 50% des aides financières sont dédiées à l’entrepreneuriat (sourire). Le résultat d’un réel dynamisme depuis le début de la mandature. Cela représente une multitude de projets, tout type d’entrepreneuriat confondu (micro-entreprise, société, startups…).
De plus en plus de femmes se lancent d’ailleurs, dans l’entrepreneuriat. Notamment, en milieu rural. Mais ce que nous observons, c’est surtout la création de structures entrepreneuriales qui tendent à l’auto-suffisance financière. Pas la création d’entreprises dont la vocation est de créer de l’emploi. Certes, le risque est minoré lorsque l’on crée une micro-entreprise. Les formes juridiques influencent bien évidemment les choix mais, la question de l’accompagnement social (chômage, retraite…), lui, est central. C’est dommage ! Car, qui ne cotise pas, ne reçoit pas.
2- Pourquoi est-il important de soutenir l’entrepreneuriat féminin ?
À cause des nombreux freins et de barrières que notre société impose aux femmes. Aujourd’hui encore, avoir une autonomie financière et/ou personnelle brusque. Dire aux femmes que c’est possible, qu’elles peuvent s’autoriser, qu’elles ont le droit de mener leur vie et leur projet est utile. En cela, nous continuerons de promouvoir l’entrepreneuriat féminin. C’est essentiel (sourire).
3- “Elle osent en Grand Est” est un programme de la région qui soutient l’entrepreneuriat féminin par le leadership. Va-t’il connaitre une nouvelle saison ?
“Elles osent” a pour objectif d’accompagner des jeunes femmes pendant 1 an, afin qu’elles puissent gagner en assurance et en leadership. Il leur permet d’exprimer leurs idées, leurs passions, leurs besoins. Il leur permet de s’autoriser à mener à bien leurs projets, qu’ils soient entrepreneuriaux ou associatifs. Parfois, il arrive aussi que ce programme montre à certaines jeunes femmes des manques. Certaines retournent donc vers le salariat quand d’autres, reprennent des études.
Nous avons de belles réussites entrepreneuriales dans la région ! : la société XOXO qui fabrique des serviettes hygiéniques pour les jeunes filles ; Alcedo qui a eut le premier prix bio et qui va être financée par Bpi France… . “Elles osent” est donc une façon atypique de donner une dynamique, de créer un cercle vertueux et de montrer que les femmes peuvent être des leaders.
La nouvelle saison démarrera à l’automne prochain (sourire). Nous avons pour idée d’élargir notre spectre de contacts et de ne pas rester dans des secteurs d’activité spécifiques. J’aimerais beaucoup pouvoir aller vers l’artisanat et l’industrie. La complémentarité du programme se réalise dans les univers des bénéficiaires. Elles forment, au final, une véritable communauté : elles s’entraident, elles sont unies, elles se soutiennent.
Justement, en quoi le leadership est important pour mener à bien un projet ?
Bien souvent, les femmes attendent l’autorisation d’un tiers. Le leadership les aide à prendre en main leur destinée. Avec lui, elles s’autorisent à mener leur projet à bien. C’est ça l’enjeu (sourire).
Il faut comprendre que nous, les femmes, nous voulons toujours faire des consensus : nous attendons que notre famille soit stabilisée avant de nous autoriser à, que nos enfants soient grands… Nous voulons toujours sécuriser le parcours avant de prendre un risque. “Elles osent” aide les femmes à prendre ce risque. Si elles ne réussissent pas, ce n’est pas grave. Ce n’est pas un échec mais une expérience.
J’insiste donc sur le fait qu’ “Elles osent” est à destination des jeunes femmes qui ont cette dynamique de vouloir entreprendre… Mais pas que.
4- Est-ce qu’il y a des changements à attendre pour cette nouvelle saison d’ »Elles osent” ?
J’ai un souhait : celui d’aller vers la reprise d’entreprise. C’est un réel sujet aujourd’hui. Sur le territoire, nous sommes confrontés à cette problématique de reprise. Il y a toute une génération d’entrepreneurs qui partent à la retraite et qui n’ont pas trouvé de repreneurs. La tendance, dans cette forme d’entrepreneuriat, est d’aller chercher le repreneur à l’extérieur de l’entreprise. Or parfois en interne, les forces sont déjà présentes.
Cela pourrait donc être intéressant d’identifier, dans ces entreprises, des jeunes femmes qui auraient envie et le potentiel de reprendre le projet, et le faire perdurer. J’aimerais beaucoup pouvoir accompagner à cette forme d’entrepreneuriat. Ce serait vraiment chouette !
5- Ce qui est inédit dans ce programme, c’est que les participantes ont la possibilité de partir quelques jours au Canada. Pourquoi cet échange est important ?
Le Canada offre 2 immenses avantages : le premier, au Québec, c’est la langue. Ça facilite les échanges ; le second, c’est leur approche de l’entrepreneuriat.
Au Canada – j’aime à le dire comme cela -, l’entrepreneuriat est “décomplexé”. Du coup, cela permet aux femmes d’avoir un regard différent sur ce que peut être l’entrepreneuriat. L’idée est aussi, de créer du lien avec ces territoires. En tant que région française, nous avons un lien fort avec le Québec. Donc pourquoi pas, à termes, construire une réciprocité. Cela fait partie des choses sur lesquels nous travaillons. Nous avons, nous aussi, une belle région et de belles histoires à valoriser (sourire).
6- Quels sont les changements que va mettre en place la Région pour ses entrepreneurs ?
Nous sommes en train de rediscuter du Paref. Toutes ces manifestations de la promotion de l’entrepreneuriat qui accompagnent d’un point de vue financier les porteurs de projet.
Moi-même, je suis actuellement en train de discuter avec le Président de la Commission Économique pour voir dans quelle mesure, nous pourrions accompagner au mieux les jeunes entrepreneures. C’est un projet en construction et que je continue de construire depuis que je suis Déléguée. Je continue de bâtir et de débattre sur le sujet. Je cherche et suis d’ailleurs, à l’écoute des organismes et des collectifs qui oeuvrent à accompagner financièrement les porteuses de projet pour créer des accompagnements d’envergures. Tout cela se met en place, non pas pour être en superposition de, mais bien pour massifier les aides financières et accompagner de façon opérationnelle les personnes qui se lancent dans la création d’entreprise.
7- Vous qui êtes cheffe d’entreprise, quel conseil donneriez-vous aux entrepreneures de la région ?
Aucun : je pense que je n’ai pas de conseil à leur donner. Il y a autant de façon d’entreprendre qu’il y a d’entrepreneures. Je me garderai de donner un conseil. Et puis, nous avons un souci de génération. La nouvelle est plus décomplexée, elle n’a pas peur d’entreprendre, elle veut aller vite, et elle performe. Personnellement, je suis très admirative ! L’autre, est une génération qui vit encore avec des freins. Des freins qui leur sont imposés par leur entourage, la société… Il est donc très difficile de parler d’entrepreneuriat au global.
Ce que je peux dire, toutefois, c’est que l’entrepreneuriat est fabuleux. On prend son destin en main, on a la possibilité de créer de l’emploi, de faire vivre un territoire et de participer à son dynamisme (sourire). C’est beaucoup de tracas mais surtout, beaucoup de fierté ! Nous sommes, quelque part, les héroïnes de notre vie.