Préserver la santé mentale au travail : un défi RH essentiel

juin 19, 2025

Alors que le télétravail s’est largement installé depuis la pandémie, de nombreuses entreprises peinent encore à en prévenir les effets délétères sur la santé mentale. Isolement, surcharge cognitive, flou des limites… Autant de facteurs qui, en plus de fragiliser l’équilibre psychologique des salariés, peuvent favoriser l’émergence de comportements addictifs. À l’occasion de la semaine de la QVCT, focus sur les leviers concrets à activer pour protéger durablement ses collaborateurs, dans un environnement de travail désormais hybride et mouvant.

Travailler depuis chez soi peut sembler, en apparence, confortable. Mais derrière l’image d’un quotidien flexible et libéré des contraintes, se cache une réalité bien plus ambivalente. L’isolement, la perte de repères et l’hyperconnexion peuvent favoriser des comportements addictifs. Cela concerne autant les substances que les usages numériques.

Quand santé mentale rime avec comportements à risque : l’enjeu des addictions

L’isolement numérique, la perte de repères horaires, la surcharge mentale : autant de facteurs liés au télétravail qui peuvent ouvrir la porte à des conduites addictives. Et cette réalité est bien là, comme le souligne Alexis Peschard, expert en addictologie et président de GAE Conseil, cabinet spécialisé dans la prévention des addictions en milieu professionnel :

« Aujourd’hui, tous les ingrédients sont réunis pour qu’il y ait une dégradation de la santé mentale, et en parallèle, une augmentation des comportements à risque en matière de consommation. »

Ce constat s’ancre dans un contexte sociétal anxiogène — enchaînement de crises, hyperconnexion, banalisation des consommations de substances illicites ou d’usage d’écran intensif — qui impacte directement les télétravailleurs.

Chez GAE Conseil, la démarche se structure autour des trois niveaux de prévention. En primaire, il s’agit d’intervenir sur l’organisation du travail elle-même, en réalisant un diagnostic des facteurs de risque potentiels (horaires atypiques, isolement, pression des résultats, télétravail). Des actions concrètes peuvent alors être mises en place : révision du règlement intérieur, encadrement des pots professionnels, campagnes de dépistage.
Les structures peuvent également s’engager via la charte ESPER, dispositif national porté par la Mildéca, pour inscrire la prévention des addictions dans leur politique de santé au travail.

Le second niveau mobilise formations et sensibilisations auprès des collaborateurs, managers, équipes RH ou soignants. Escape games, podcasts, webinaires, témoignages ou formats immersifs sont proposés.

« Il n’y a aucune raison de ne pas aborder le sujet, que ce soit en présentiel ou à distance. L’important est d’en faire un sujet non tabou. » explique Alexis Peschard, président de GAE Conseil.

Enfin, la prévention tertiaire passe par l’accompagnement des personnes déjà en difficulté. GAE Conseil propose des consultations en cabinet ou en téléconsultation avec addictologues, travailleurs sociaux ou médecins, partout en France.

L’isolement numérique, un facteur de risque trop souvent sous-estimé

La généralisation du télétravail a engendré une forme d’isolement qui fragilise progressivement les liens sociaux professionnels. Une étude de la Dares montre que les télétravailleurs sont plus exposés à l’intensification du travail. En l’absence d’échanges informels, les signaux faibles de mal-être passent inaperçus. Les personnes en difficulté peuvent alors s’enfermer dans une spirale silencieuse.

De plus, la frontière entre la vie personnelle et le cadre professionnel devient floue. Les journées s’allongent, les plages horaires de disponibilité s’élargissent, et la charge mentale s’accumule sans filet de sécurité immédiat. En l’absence d’un espace dédié ou de règles partagées, certains salariés se sentent débordés par un sentiment d’hyperdisponibilité constante.

Ce brouillage des limites accentue la fatigue émotionnelle et favorise l’apparition de troubles du sommeil, d’anxiété, voire de burn-out. Mais aussi de comportements à risque comme l’abus d’écrans ou de substances pour « tenir » le coup. D’où l’importance d’ouvrir le débat sur les addictions comportementales dans un cadre professionnel.

Quand la prévention devient un levier stratégique de performance

Préserver la santé mentale des salariés ne relève pas uniquement d’un impératif éthique ; c’est aussi un enjeu de performance et de fidélisation. Selon le baromètre Qualisocial & Ipsos 2025, 25 % des salariés se déclarent en mauvaise santé mentale. Pourtant, les effets positifs d’une politique de qualité de vie au travail sont démontrés. Lorsque des actions concrètes sont mises en place – comme la formation des managers à l’écoute active, l’organisation de points réguliers pour parler non pas des tâches, mais du vécu de chacun, ou encore l’intégration de temps de déconnexion obligatoires –, les collaborateurs se montrent plus engagés et plus sereins.

Dans ce cadre, intégrer la prévention des conduites addictives au plan de santé mentale devient incontournable. Pour Alexis Peschard, addictologue, il est crucial que les entreprises proposent des ressources accessibles et anonymes :

« Il existe des numéros verts totalement gratuits, comme Drogues Info Service (0 800 23 13 13), Alcool Info Service (0 980 980 930), Joueurs Info Service (09 74 75 13 13) ou encore Tabac Info Service (39 89). Ce sont des portes d’entrée essentielles pour les personnes en difficulté. »

À ces dispositifs s’ajoutent des plateformes comme AddictAide.fr, qui proposent des outils d’auto-diagnostic, des forums, et un annuaire des lieux de consultation spécialisés partout en France. L’objectif : faire de la prévention un sujet non tabou, quel que soit le mode de travail. À distance, l’anonymat est un atout majeur pour libérer la parole. C’est pourquoi certaines entreprises choisissent de diffuser podcasts, vidéos ou webinaires via des plateformes garantissant la confidentialité des participants.

Le travail hybride s’installe durablement. Il devient urgent de structurer cette pratique pour éviter le désengagement et la souffrance. L’entreprise a la responsabilité de créer un cadre clair, stable, attentif à l’équilibre psychique des salariés. En cette semaine de la QVCT, repenser les modalités du télétravail est une occasion précieuse de mettre santé mentale au cœur des priorités managériales.

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