On le sait, tenter l’aventure de l’entrepreneuriat peut parfois faire peur. Pourtant, les femmes sont de plus en plus nombreuses à se jeter dans le bain. Pour le Grand Est, dès 2018, 28,3% sont des entrepreneures. Mais si les chiffres sont encourageants, qu’en est-t’il de la réalité du terrain ? Pour Entre’Elles webzine, les femmes de la région racontent leur parcours.
Être une femme, quand on veut créer une entreprise, pourrait être un avantage, notamment dans le Grand Est. C’est en tout cas l’avis de Gaëlle Orban. Jeune entrepreuneure, elle a créé son entreprise de communication et informatique en 2018 “Je n’ai pas l’impression d’avoir été discriminé par rapport à mon genre. C’est même mieux d’être une femme parce qu’on se souvient de moi. Un certain nombre de supports s’intéressent à mon statut”. Un constat partagé par Clara Rommen, Élise Marion ou encore Camille Rosen. Toutes, lauréates du concours de Association Française des Femmes Diplômées des Universités.
Des aides spécifiques pour les femmes
Depuis quelques années, la Région a mis en place de nombreuses aides dédiées spécifiquement aux femmes entrepreneures. Ceci, pour aider à promouvoir l’entrepreneuriat féminin. À commencer par l’ambitieux Plan d’Action Régional pour l’Entreprenariat Féminin (PAREF) signé le 12 Novembre 2018 entre le Grand Est, la BPI, la Caisse d’Epargne et la BNP Paribas. Les moyens avaient été déployés pour inciter les femmes à tenter l’aventure. 30 000 euros débloqués par an et un accompagnement personnalisé.
Une aide qui venait s’ajouter à la dizaine d’aides déjà proposées aux femmes et aux entrepreneurs en général : “Je ne sais pas si c’est l’effet Covid mais on est bien accompagnés. Moi, par exemple, j’ai réussi à obtenir une aide de 3 ans de la Chambre de Commerce et d’Industrie”.
Même constat pour Malika El Ouardani : “ On a été aidés par France Active et Moselle Initiative qui accompagnent les porteurs de projet. En plus, on a pu bénéficier d’un prêt d’honneur de 15 000 euros et d’un prêt de la CCI de 45 000 euros”. Deux aides financières qui venaient s’ajouter aux différentes aides et réseaux d’accompagnements déjà mis en place dans la région.
Une abondance d’aides poussée par la promotion de l’entreprenariat féminin, voulue par le gouvernement depuis 2013 : “Il y a plus d’hommes qui créent des entreprises mais du coup, on a d’avantages d’aides vu qu’on fait encore partie d’une minorité”, justifie Christine Morin représentante d’Est’Elles exécutive et chef d’une entreprise de conseil en environnement.
Pourtant dans les faits, les chiffres ne traduisent pas forcément l’élan. 28,3% des entrepreneurs étaient des femmes en 2018. Un pourcentage qui stagne en 2020-2021, malgré les différentes mesures mises en place.
Une sous-représentation des femmes dans les métiers du tertiaire
Le Grand Est et son lourd passé industriel n’aura pas facilité la tâche de ses aventurières. Surreprésentées dans les métiers du conseil, du commerce et du service aux particuliers, elles sont sous-représentées dans les métiers du tertiaire.
Très peu présentes dans les métiers du transport ou de l’entreposage, elles sont quasiment inexistantes dans le domaine du bâtiment. Elles ne sont que 2 femmes cheffes d’entreprises, dans le Grand Est : “Quand on est une femme, il faut savoir s’imposer. On croise peu de femmes surtout dans ce milieu. On nous catégorise facilement comme secrétaire. Donc on est obligées d’être plus technique qu’un homme et prouver davantage notre valeur” explique Malika El Ouardani, cocréatrice d’une entreprise de revêtement. Le constat est donc amer !
Elles sont d’ailleurs représentées en majorité dans la création de petites entreprises, portées par le développement des micros-entreprises. Un moyen d’accéder aux postes à responsabilités, auxquelles elles ont encore difficilement accès dans les grandes entreprises.
Des discriminations de genres encore très présents
“Moi j’aime développer des idées, diversifier. On veut concevoir nos propres produits et finalement, on a un super retour par rapport à ça” explique Malika El Ouardani. Mais si elle préfère rester discrète à ce sujet, c’est parce qu’elle s’est fait voler à plusieurs reprises ses idées par des collègues masculins. Un mal reconnu qui touche toutes les professions : “[…] quand ce n’est pas ça, c’est un dossier sur lequel on bosse dur et dont on attribut le mérite à un autre”.
Un manque de reconnaissance dans leur travail qui poussent les femmes de tous les milieux professionnels à se lancer comme indépendantes. Mais là encore, ce n’est pas toujours un long fleuve tranquille !
“C’est difficile de se mettre en couple avec quelqu’un qui n’a pas cette dimension entrepreneuriale, par exemple. Souvent, le conjoint ne comprend pas la charge de travail et les horaires de boulot. Parce que c’est encore trop inscrit dans la société que ce sont les femmes qui doivent faire moins d’heures et se mettre en retrait pour leur famille. C’est important d’être soutenue par son conjoint » reconnaît Malika El Ouardani. Les discriminations liées à la vie familiale seraient donc, un des principaux freins à l’entreprenariat des femmes. Pendant les différentes pandémies, elles étaient en moyenne 26% de plus que les hommes à mettre leurs projets de côté au profit de leur famille.
Des chiffres qui parlent pour les femmes entrepreneures
En moyenne, les entreprises dirigées par des femmes sont plus rentables que celles des hommes. L’excédent brut d’exploitation est en moyenne de 8,4% chez les entreprises dirigées par des femmes, contre 6,4% pour celles dirigées par des hommes, selon la BPI.
Des chiffres qui s’expliquent par le fait que les femmes seraient plus résilientes et auraient tendance à davantage anticiper. Deux atouts qui ont ont fait leurs preuves pendant la crise de la Covid : en 2020, seules 3% des TPE dirigées par des femmes ont été jugées en défaillance, contre 5% pour leurs homologues masculins. Un constat qui va donc dans le sens de l’étude orchestrée par le FMI en 2018. Celle-ci jugeait que l’élimination des inégalités hommes-femmes entraînerait une augmentation du PIB de 35%.
De quoi motiver à promouvoir davantage les femmes à la tête des entreprises. Être entrepreneure dans le Grand Est est possible mais encore faut-il être soutenue et continuer selon les obstacles…
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