Nadine Lecomte a créé Nos Saveurs de France, il y a 2 ans. Forte de son expérience de commerçante et amoureuse des produits locaux français, Nadine favorise la consommation en circuit-court avec sa plateforme. Un concept qu’elle a parfait avec la mise en place d’un service de livraison à domicile, à Strasbourg et ses environs. Une justice sociale, pour laquelle elle a décidé de se battre et de ne pas se laisser manger. Témoignage.
1- Nadine, pourquoi avoir quitté le milieu du salariat pour te mettre à ton compte et créer Nos Saveurs de France ?
J’ai arrêté le salariat, il y a 17 ans maintenant, pour me reconvertir en tant que commerçante sur Strasbourg. Ensuite, la conjoncture a fait que le centre ville de Strasbourg devenait de moins en moins fréquenté par les clients. Lorsque j’ai dû fermer ma boutique, j’avais envie de repartir à l’aventure. Sauf que pour moi, il était primordial de revenir à l’essentiel : des relations humaines et chaleureuses et consommer plus local aussi. Un choix surement guidé par le fait que j’ai toujours vécu à la campagne. Une campagne où j’achetais tout ce dont j’avais besoin près de chez moi, directement chez les producteurs. D’ailleurs avec les amis, les discussions tournaient souvent autour de la qualité de notre alimentation, qui comme la qualifiait clairement Jean-Pierre Coffe : de la « merde »! Et c’est là que le déclic est venu. Je me suis dit que de rassembler le terroir de France, en un seul et même endroit, c’était la clé pour les consommateurs pour les inciter à manger mieux. Et Dieu sait qu’en France, nous avons des produits extraordinaires ! C’est ainsi que j’ai lancé Nos saveurs de France (sourire).
2- Quel objectif souhaitais-tu atteindre avec ta plateforme e-commerce locale ?
Permettre à tous ces petits producteurs de faire découvrir leur savoir-faire et la qualité de leurs produits. Le tout, un peu plus loin que leur zone de chalandise. Car en réalité dans son quotidien, un producteur ne peut faire que quelques marchés pour vendre ses produits. Il a rarement le temps de faire autre chose ! Il ne peut pas être dans ses champs, à cultiver ses légumes, et faire tous les marchés autour de chez lui. Le producteur qui fait des terrines de porc, lui ne pourra pas courir partout pour vendre ses produits. Il doit s’occuper de ses bêtes et transformer l’animal ensuite. Le commerce, contrairement à ce que l’on pense, n’est pas leur métier premier. Alors que moi, c’est mon métier ! J’ai donc pris le pari de les aider et de les soulager de cette partie de leur business. Et aujourd’hui, c’est la mission que remplit Nos saveurs de France : permettre aux consommateurs désireux de mieux manger, de consommer local, de qualité et en circuit court.
3- Ton but est de changer les modes de consommation et de permettre aux petits producteurs de vivre. Tu es une sorte de « Robine des Bois » puisque tu viens en aide aux producteurs. Est-ce pour aller au bout de ton concept que tu as proposé la livraison gratuite à domicile, à Strasbourg et ses environs ?
Les deux ! La livraison à domicile à Strasbourg et ses environs, je l’ai mis en place à la suite de la crise de la Covid-19. Là encore, les maraîchers locaux ont été fortement impactés : ils se sont retrouvés avec beaucoup de stocks et sans aucun moyen de les écouler. Car mère nature, crise ou pas crise, elle ne s’arrête pas ! Les stocks de produits étaient énormes. Il fallait donc rapidement trouver une solution. C’est comme ça que j’ai pensé au service de livraison. Cela a aidé les producteurs mais aussi, les consommateurs qui n’avaient plus la possibilité de sortir de chez eux à ce moment-là. Ce service a donc démarré le 11 avril et aujourd’hui, il est toujours en place pour la modique somme de 3,90 € ou 4,90€ selon la zone de livraison. Les clients en sont satisfaits et les producteurs aussi ! Tout le monde y gagne finalement (sourire)
4- Qu’est-ce qui, selon toi, est un frein à la consommation de produits locaux aujourd’hui ?
Je dirai que c’est multifactoriel ! Pour être factuelle, le confinement n’a pas empêché certains d’aller directement à la ferme. Bien au contraire ! On a pu constater une certaine prise de conscience de la part des consommateurs et un engouement plus prononcé pour le fait local, à partir de cette période. En revanche, cela s’est vite estompé à l’arrêt du confinement. Du jour au lendemain, les producteurs ont noté une baisse de fréquentation de 50% de leurs points de vente. Et pour moi, c’est là que le service de livraison à domicile prend tout son sens ! : permettre aux consommateurs de continuer de manger des produits de qualité et locaux, sans avoir à se déplacer de chez soi. Je pense que si nous n’avions pas laissé ce service en place, beaucoup de nos clients gagnés grâce à la mise en service de la livraison seraient repartis acheter dans les grandes surfaces aujourd’hui.
Ensuite je trouve que les habitudes de consommation des Français n’ont pas encore changé. Aujourd’hui, nous sommes partisans de la rapidité et de la facilité. C’est tellement « plus facile et pratique » de tout avoir dans un seul et même endroit… C’est d’ailleurs la force des grandes surfaces ! (sourire) Les clients rentrent et peuvent acheter tout ce dont ils ont besoin pour le mois, sans avoir à aller dans un autre magasin. À l’échelle locale, consommer se fait différent : il faut aller à la rencontre du producteur, chercher son produit, faire de la route… Avec le train de vie qu’ont les gens aujourd’hui, je peux comprendre qu’ils n’aient pas envie de faire tout ça. C’est donc en connaissance de cause, que j’ai pensé Nos Saveurs de France. J’ai voulu une plateforme qui facilite la vie de tous à chacun et des deux côtés de la barrière. De façon aussi, à créer un équilibre pour les deux parties : tant sur la qualité des produits, que sur les tarifs. Ce qui n’est pas évident comme challenge !
5- Si tu avais un conseil à donner à des entrepreneures qui souhaiteraient se lancer dans une plateforme e-commerce et de service, quels seraient-ils ?
De ne pas se lancer seule dans l’aventure : je trouve que seule, c’est compliqué. Tant moralement que psychologiquement d’ailleurs ! Il faut surtout, ne pas se décourager. Il faut avoir une faculté d’adaptation et une volonté sans faille. Je pense que croire à son projet, c’est la clé de réussite. On peut traverser de grosses tempêtes dans l’aventure de l’entrepreneuriat. Mais si elles croient en leurs projets, elles y arriveront quoi qu’il arrive. Avoir l’amour de son projet permet d’aller loin !