Depuis la réforme des retraites, de plus en plus de chefs d’entreprise prolongent leur activité au-delà de l’âge légal. Le cumul emploi-retraite permet de continuer à travailler tout en percevant une pension. Ce dispositif s’adresse aux indépendants, dirigeants de TPE ou professions libérales prêts à organiser leur transition. Dans un contexte économique incertain, il devient un outil stratégique pour transmettre son activité de façon progressive. Pourquoi et comment l’utiliser intelligemment aujourd’hui en France ?
Depuis le 1er septembre 2023, le cumul emploi-retraite a été modifié dans le cadre de la réforme des retraites, adoptée par le gouvernement au printemps 2023. Désormais, le cumul peut ouvrir de nouveaux droits à la retraite, sous certaines conditions. Cela change donc la donne pour les dirigeants qui souhaitent rester actifs après leur départ officiel.
Ce que permet la reforme
Concrètement, un chef d’entreprise peut percevoir sa pension tout en continuant à exercer une activité indépendante (auto-entreprise, libéral, gérance de société) ou salariée, sans plafond de revenus s’il remplit les conditions du “cumul libéralisé” (âge légal atteint + retraite à taux plein).
Pour les entrepreneurs, cet assouplissement représente bien plus qu’un simple complément de revenu. Il offre un cadre stable pour continuer à facturer, à accompagner un repreneur, ou à tester une nouvelle activité, tout en préparant une sortie progressive du monde professionnel. Dans un marché du travail encore marqué par des incertitudes, c’est aussi une assurance de continuité pour leurs client-es, salarié-es ou partenaires. La réforme donne alors un pouvoir d’agir aux femmes et hommes retraités qui souhaitent rester utiles tout en sécurisant leur avenir.
Un outil stratégique pour la transmission d’entreprise
Dans le Grand Est comme ailleurs, des milliers de TPE sont concernées par une transmission dans les cinq prochaines années, notamment dans l’artisanat, les services ou les professions libérales. Or, de nombreux dirigeants peinent à identifier un ou une repreneuse, à documenter leurs procédures ou à passer la main sereinement. Le cumul emploi-retraite leur permet de prolonger leur présence en tant que “mentor opérationnel”, même après la cession de l’activité, et d’organiser une transition progressive.
Cette solution est particulièrement adaptée dans les territoires où la reprise d’entreprise est un enjeu économique majeur. Elle évite les ruptures brutales et permet de transmettre le savoir-faire, le portefeuille clients, les codes de l’entreprise. Certaines chambres de commerce ou réseaux d’accompagnement comme la BGE ou France Active recommandent d’intégrer le cumul emploi-retraite dès la réflexion stratégique de cession.
Un choix personnel à encadrer juridiquement
Mais attention : malgré sa souplesse, le cumul emploi-retraite nécessite une vigilance administrative et juridique. Il implique d’avoir liquidé l’ensemble de ses régimes de retraite (base et complémentaire), et de respecter les statuts de l’entreprise si l’on souhaite y rester actif. Pour les indépendants, il faut bien distinguer le statut conservé (gérant, président, consultant externe) et en vérifier la compatibilité avec les règles sociales. De plus, les cotisations versées dans ce cadre ne sont pas toutes productrices de nouveaux droits, sauf si l’activité a démarré après le 1er septembre 2023.
Il est donc essentiel de se faire accompagner : un expert-comptable, un avocat spécialisé ou une structure comme l’URSSAF ou la CARSAT peut aider à sécuriser la démarche. Il faut également anticiper les conséquences fiscales et sociales (cotisations non négligeables, ajustement de l’impôt sur le revenu, etc.). Bien préparé, ce cumul devient une opportunité stratégique et maîtrisée, mais à défaut, il peut engendrer des déconvenues.
Souvent perçu comme une simple solution de “revenu complémentaire”, le cumul emploi-retraite peut en réalité servir une véritable stratégie d’entreprise. Dans une période où la transmission des activités et le maintien de l’engagement post-retraite deviennent cruciaux, il offre aux dirigeants un cadre souple, utile et évolutif. À condition d’en comprendre les règles et d’en faire un projet réfléchi.