Sara BIEGER est Présidente de la CCI France en Espagne. En tant qu’institution française, la CCI aide les entreprises implantées ou souhaitant s’implanter en Espagne, à trouver les bons interlocuteurs. Elle les aide à réaliser au mieux leurs démarches. Aujourd’hui, c’est un autre combat qui anime la CCI : développer l’entrepreneuriat féminin en Espagne, en aidant les femmes entrepreneures, grâce à de nouveaux dispositifs et plus de visibilité pour les femmes.
- Vous êtes actrice et engagée dans le développement de l’entrepreneuriat en France comme en Espagne. Aujourd’hui, où se situe l’entrepreneuriat féminin espagnol ?
Créer une entreprise est un véritable parcours du combattant – ou combattante ! – , que des centaines de femmes entreprennent chaque jour, avec illusion et beaucoup de persévérance.
Le taux de femmes entrepreneures continue de croître. Selon le rapport Mapa de emprendimiento South Summit 2020, autour de 20% des startups ont été créés par des femmes. En Espagne, 41% (tendance à la hausse) des startups comptent au moins une femme entrepreneure dans leur équipe fondatrice. Ces données dépassent la moyenne des startups européennes, asiatiques et latines. Ceci situe notre pays, parmi les dix meilleurs pays au monde pour les femmes entrepreneures. Un pays où les femmes entreprennent seules, face aux hommes qui le font en équipes de 2 ou 3.
Bien que le taux d’entrepreneuriat chez les femmes ait augmenté ces dernières années, la grande majorité d‘entre-elles, le font par nécessité (manque d’emploi, etc…) plus que par opportunité. Et cette tendance s’est confirmée avec la crise.
Si on regarde les secteurs en 2020, on assiste à un changement de tendances. Jusqu’en 2019 les 3 secteurs les plus représentés étaient : la mode, l’art, la culture et le lifestyle. Suite à la crise de la Covid, c’est la FINTECH (projets qui allient finance et technologie) qui s’érige comme le principal secteur des femmes entrepreneures.
Quant à la taille des startups créées par des femmes, celles-ci sont plus petites que celles fondées par des hommes. Toutefois, elles sont moins endettées et d’une plus grande solvabilité. Surtout dans leurs premières années de vie. Et cela même si la plupart des femmes entrepreneures signalent des difficultés pour accéder au financement. En conséquence, beaucoup d’entre elles se tournent vers le milieu familial pour se lancer dans cette aventure. Dès lors, il est nécessaire de faciliter l’accès aux micro-crédits. Il est nécessaire aussi, de valoriser le rôle des Business Angels, des outils de financement participatif, des fonds publics, des déductions fiscales aux investisseurs et aux mécènes….
Un autre aspect important qui détermine les types d’entreprises fondées par des femmes est le manque de formation à l‘entrepreneuriat, sous une perspective de genre – avec des exemples de femmes entrepreneures destinés aux femmes – et de faire connaître des initiatives et des événements spécifiques qui normalisent la figure des femmes entrepreneures.
2- Selon vous, quels sont les principaux freins des françaises à la création d’entreprise en Espagne ?
Manque d’accès et/ou méconnaissance des organismes dédiés à l’entrepreneuriat (type BPI, Entrepreprendre…), tels que l’on peut en trouver en France, et qui puissent les accompagner dans leurs démarches. Manque de réseaux d’entraide féminins (type Rézoé, action’elles…).
Ensuite, arrive les difficultés d’accès au financement. Puis, la barrière de la langue. Surtout pour les activités dans le service. Enfin, la compréhension du système fiscal et juridique espagnol qui n’est pas aisée pour toutes.
3- Est-ce pour cela que vous vous engagez dans une démarche de rendre accessible l’entrepreneuriat féminin ?
Oui, à la CCI nous avons un service d’appui aux entreprises. Son objectif est justement de mettre à disposition des entrepreneurs, une équipe de consultants bilingues et biculturelles qui les accompagnent tout au long de leur parcours.
Nous proposons un accompagnement à la carte qui va depuis le diagnostic, l’étude de marché, les contacts clefs, le conseil quant à la formule la plus adéquate, jusqu’à l’aide dans les démarches administratives, et aussi un service de domiciliation. Nous offrons également une assistance pour la création et l’adaptation des supports de communication.
Enfin, nous avons également à Madrid un centre d’affaires avec des bureaux et des postes de travail adaptés pour des entrepreneures en démarrage d’activité en Espagne. Et ceci sur l’ensemble du territoire espagnol, via nos 8 délégations : Baléares, Bilbao, Canaries, Malaga, Valladolid, Valence, Séville et Saragosse. Ainsi qu’à Barcelone, par le biais de notre consœur La Chambre de Commerce et d’Industrie Française de Barcelone.
4- Quelles sont les stratégies mises en place pour cette année et celles à venir pour augmenter le taux d’entrepreneuriat féminin ?
Plusieurs évéments ont déjà été mis en place pour aider au développement de l’entrepreneuriat féminin. Les Journées de sensibilisation à l’entrepreneuriat féminin en collaboration avec d’autres institutions et associations : Chambre de Commerce de Madrid, Woman Forward, InnoDiversidad.
L’événement MEET THE CEO : un programme de soutien aux PME et aux entrepreneurs, en cette période de crise, donnant l’opportunité de rencontrer des directeurs et directrices de grandes entreprises de notre communauté, d’échanger des idées d’affaires, des conseils et partager leurs préoccupations.
Des actions en collaboration avec Junior Achievement, pour encourager les jeunes filles à suivre des formations mettant en avant leurs compétences. Les membres de La Chambre agissent comme « mentors » et offrent aux étudiants une expérience réelle (avec de l’argent, des produits et des clients), des prises de décisions commerciales à travers la création, l’organisation et la gestion de leur propre entreprise. Le but ici, étant d’éveiller leurs compétences, leurs connaissances et leur esprit entrepreneurial.
Compte tenu de ce que les femmes se lancent de plus en plus dans les secteurs des TIC, nous voulons profiter de l’expertise de nos membres sur ce terrain, notamment de Distrito Digital basé à Alicante. Il s’agit d’un lieu privilégié pour héberger des entreprises technologiques et le talent qui vont avec. Nous voulons offrir, en collaboration avec Distrito Digital, l’accès à un écosystème d’innovation, et de transformation technologique et numérique.
5- Quels conseils donneriez-vous aux jeunes entrepreneures, expatriées ou autochtones, en Espagne ?
De croire en elles : en agissant en tant que femmes et d’oser se lancer. Sans oublier qu’elles peuvent se faire accompagner par des structures comme La Chambre. C’est clair que c’est un grand défi, passionnant, mais avec des récompenses personnelles insoupçonnables….