On appelle ça, la « sexospécificité » du développement durable. Une façon de dire que les femmes seraient davantage concernées par les questions environnementales. Et quand il s’agit d’entreprendre en vert, elles regorgent d’idées, surtout dans le Grand Est. Pourtant, elles sont encore sous-représentées.
La tendance est à l’entrepreneuriat vert, dans le Grand Est. Et comme pour l’économie, les entrepreneurs s’avèrent être une ressource inépuisable d’innovation pour favoriser la transition.
Margaux a créé son entreprise en février 2021. Et ce qui est sûr, c’est que sont concept est original. Margaux est ce que l’on appelle une Écographiste : “C’est toute une démarche. Il faut anticiper les étapes d’un projet pour réduire son impact environnemental. On utilise des matériaux moins polluants et on réfléchit à rendre le projet le plus sobre et efficace possible”. À 27 ans, elle a décidé de quitter son poste d’éducatrice spécialisée pour se reconvertir comme graphiste. Un moyen de s’émanciper mais, pas n’importe comment. “Pour moi, c’était une évidence. On ne peut pas continuer à travailler comme avant. J’avais déjà ces convictions personnelles depuis quelques années. Et c’était important pour moi de rester cohérente avec ces valeurs-là”.
Une démarche partagée par de nombreuses entrepreneures du Grand Est comme Marie Eppe, fondatrice de l’entreprise In Extremis. “Ça me tient à cœur d’avoir un modèle d’entreprise plus écologique. On m’a inculqué ses valeurs depuis mon enfance puis ensuite, dans ma formation. C’était pour moi naturel de les mettre à profit dans quelque chose qui a du sens”.
Comme Margaux et Marie, les femmes du Grand Est auraient davantage tendance à donner un tournant écologique et social à leur entreprise.
L’entrepreneuriat vert est-il vraiment une affaire de sexe?
« L’écologie ça concerne tous le monde. Ce n’est pas une question de genre, ni une affaire d’élite. Ça doit être accessible à tous, d’où l’intérêt de la pédagogie », s’exclame Margaux Billey.
Cette pensée, ils sont nombreux à la partager. Pourtant, ce sont les femmes qui ont tendance à porter ces sujets-là : « la prévention de la pollution, la réduction des émissions, l’utilisation de matériaux recyclés dans la production, l’utilisation d’énergie propre, l’engagement à l’égard des mesures d’efficacité énergétique et la communication d’informations sur l’environnement », selon le dernier rapport de l’OCDE, sortie en 2021.
Si bien qu’elles auraient 10 à 20% plus de chance de donner un caractère responsable à leur projet par rapport aux hommes. Alors qu’elles ne représentent que 38% des entrepreneurs du Grand Est, « elles choisissent majoritairement de s’orienter vers un modèle d’entreprise plus durable et social » explique Christine Morin, membre du Réseau Entreprendre Lorraine. Plus empathique et donc plus solidaire, les femmes s’intéressent davantage à leur environnement et au long terme. D’où viendrait cette aspiration ? A priori, plus d’une éducation genrée que d’une appétence naturelle.
D’ailleurs, l’Écologie ne serait pas considérée comme « virile ». Une étiquette sociétale, portée par les hommes, déjà peu enclins à se considérés comme des victimes du réchauffement climatique. Pour ces raisons “Les hommes, et en particulier les hommes blancs, se sentiraient davantage à l’abri de l’injustice systémique et des préjudices. Ils seraient donc, disposés à accepter davantage une certaine proportion de risque environnemental” selon une étude publiée en 2006 par l’OCDE. Une étude validée depuis par plusieurs autres, menées dans différents pays du monde.
L’écologie oui, mais le développement avant tout
Les femmes donc, favorisent le développement durable au sein de leurs structures. Cependant, elles sont peu valorisées dans ce domaine. Au delà du fait qu’elles se lancent moins facilement dans l’entrepreneuriat, elles feraient face à une autre problématique. Tout ce qui attrait au foyer et au quotidien pèse, encore aujourd’hui, majoritairement sur les femmes. Si la part de l’entreprenariat vert augmentent chaque année dans le Grand Est, force est de constaté que les hommes et les femmes ne sont pas présents dans les mêmes domaines de transition. Les femmes créatrices d’entreprise se tournent d’avantage vers le développement durable du quotidien. Dans le Grand Est, elles vont donc davantage s’orienter vers des domaines dans lesquels elles sont majoritairement représentées comme le commerce ou le service ou les secteurs attraits au soin et aux besoins du quotidien. Les hommes quand à eux, choisiront davantage de créer des entreprises dans des domaines techniques ou technologiques. Des domaines qui attirent davantage les investissements.
Dans le Grand Est, la transition écologique passe par l’égalité
En 2020, le Grand Est signait son Business Act. Un programme sur 5 ans pour accentuer la reconquête de l’économie dans la Grande Région. Trois domaines clés de la transition y sont valorisés : l’écologie, le numérique et l’industrie « Nous persistons à encourager l’entrepreneuriat, à favoriser l’agilité, à miser sur l’innovation et les technologies de pointe ». Des domaines essentiels pour la transition qui souffrent pourtant d’un manque de féminisation.
Des domaines clés moins attractifs? La raison se trouve en partie dans le fait qu’elles connaissent davantage de difficultés à accéder aux postes à responsabilité. Dans le Grand Est, elles ne représentent, par exemple, que 18,9% des cheffes d’entreprises dans le numérique et 17% dans l’industrie « On est que deux femmes cheffes d’une entreprise du bâtiment dans la Région » explique Malika El Ouardani. Une problématique qui ne joue pas en la faveur de la transition écologique. C’est en tout cas ce qu’affirmait l’étude publiée par l’OCDE en 2021 précisant que « pour faire évoluer durablement et écologiquement la Responsabilité Sociale des Entreprises (RSE), les Conseil d’administration doivent avoir au moins 30% de femmes ».
Pour tenter d’inverser la tendance, le Grand Est s’est lancé depuis une dizaine d’années dans une vaste campagne de promotion de l’égalité. On y prône la parité et l’entreprenariat des femmes. Une campagne qui semble porter ses fruits puisqu’elles sont aujourd’hui plus de 29% à avoir un poste de décisionnaire contre seulement 7% en 2010. Pour pouvoir faire entendre leur voix, elles sont de plus en plus nombreuses à choisir l’entreprenariat où la encore le vert a pris une place importante.
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