“Les femmes, elles n’ont pas la fibre de l’IT”. Pas sûr que les entrepreneures soient bien d’accord. Si on peut donner un avantage à la période Covid, c’est d’avoir rendu accessible l’informatique aux femmes. Une mise au numérique forcée, vectrice de vocations dans le Grand Est.
L’IT, ou les Technologies de l’Information, est en d’autres termes ce qui touche à l’informatique. Un domaine d’hommes ?… Pas pour Héloise Villepin. Développeuse web, elle aussi entrepreneure depuis février 2022.“Permettre l’accès au codage à tout le monde était ma motivation.” Elle fait partie de ces passionnées qui ont étudié le codage dans le Grand Est. “Dans mon poste précédent, je travaillais sur un module de diversité dans l’apprentissage du code. Finalement, je n’en faisais plus vraiment. Ça me manquait trop. C’est après mon burn-out que je me suis rendue compte que la sécurité financière, ce n’est pas ce qui m’importait le plus”.
Les femmes comme Héloïse sont encore aujourd’hui, peu nombreuses. Fin 2021, elles étaient seulement 17% à travailler dans un secteur des Technologies de l’information (IT). Des chiffres qui stagnent en France depuis 2016, selon une étude de l’agence européenne pour l’égalité des genres (EIGE). “On a beaucoup de retard comparé à des pays comme la Malaisie ou le Maroc”, se désole Frédéric Bardeau, Président et co-fondateur de Simplon.
Mais la Covid pourrait bien avoir changé la donne. Accentué par l’explosion de la demande en informatique, les femmes commencent de plus en plus à s’y intéresser. Dans le Grand Est, c’est grâce à l’entrepreneuriat qu’elles tirent leur épingle du jeu et évoluent dans l’ombre des statistiques.
Pour les femmes, l’accès à l’informatique passe par l’entrepreneuriat
Héloïse, Margot ou encore Haila sont développeuses web dans le Grand Est. Elles sont d’accord, l’entrepreneuriat a été un tremplin.
“Pendant mon alternance, je recevais souvent des conseils. Même quand ces personnes n’y connaissaient rien en informatique. Depuis que j’ai le statut d’auto-entrepreneure, ça n’arrive plus. J’ai la légitimité de ce que je fais grâce à mon statut.”
Haila Dhouayeb, Fondatrice de Wavesit.tech.
Héloise Villepin d’ajouter : “Aujourd’hui les gens qui m’approchent, utilisent le vocabulaire classique de mon milieu. Il n’y a plus de différence par rapport à mon genre”.
C’était pourtant difficile à imaginer pour Haila. “Quand je me suis lancée, je pensais vraiment qu’être une femme allait être un obstacle. Mais au fur et à mesure, avec l’expérience, je me suis rendue compte que ça devenait secondaire”. Un soulagement qui lui a donné des ailes. “Ça m’a apporté tellement de choses. J’ai accepté des projets avec lesquels je ne me sentais pas très à l’aise. Après j’ai tellement évolué, même dans l’informatique. J’ai testé tellement de langages différents. J’ai gagné énormément d’expérience. Maintenant, j’aime oser et prendre des risques”.
La reconversion, porte d’entrée des entrepreneures de l’IT
45% de femmes entre chaque année à Simplon pour se former aux métiers de l’informatique. À l’échelle du Grand Est, la reconversion en est l’une des principales portes d’entrée pour les femmes. “Les femmes s’orientent après avoir eu une précédente carrière. Alors qu’on retrouvera beaucoup plus d’hommes en formation initiale”, confirme Frédérique Bardeau, Président de Simplon.
Un rattrapage encore difficile à appréhender pour les entreprises. “Les recrutements vont plutôt aller vers de jeunes ingénieurs en Bac+5, pour plus de sécurité. Alors que certains postes conviennent tout à fait à des bac +2/3 ou même, à des formations en reconversion”, ajoute-il. Plus âgées, avec moins de diplômes et victimes des stéréotypes liés à leur genre, les femmes se retrouvent davantage pénalisées. L’entrepreneuriat apparaît alors, comme une possibilité plus qu’attrayante.
La communauté, soutien à toutes épreuves pour les entrepreneures de l’IT
Margot Keller le reconnaît. C’est ce qui l’a poussé à continuer. “Ce qui m’a rassuré, c’est de voir qu’une fois dans le métier, il y a beaucoup plus de filles. Notamment grâce aux reconversions. Je me sentirais mal s’il y avait aussi peu de filles que pendant mes études”. Une communauté, plus qu’un réseau, encore fragile mais bénéficiant d’une importante solidarité. “Il y a pas mal de groupes qui se sont créés sur Whatsapp ou Discord, comme Dev Safe créé par la Streameuse Inhaee. Là, on peut poser toutes les questions qu’on veut sans avoir peur d’être jugées ou rabaissées”.
Il faut dire que dans l’informatique, les trolls sont nombreux. Surtout, quand les développeurs sont des femmes. “Il y a beaucoup de rumeurs qui disent que quand les filles rentrent dans un groupe à l’école par exemple, elles se laissent porter pour avoir leur diplôme. Même si dans la réalité, c’est souvent l’inverse”, explique Héloïse Villepin.
Les stéréotypes sont encore bien ancrés dans le secteur des Technologies de l’information. Pourtant dans le Grand Est, l’entrepreneuriat est source de salue pour les femmes. Loin d’être inaccessible, l’IT en devient même une source d’épanouissement.