Être entrepreneur, c’est être passionné, curieux, résilient, autonome. Et si les autistes avaient toutes les caractéristiques pour devenir des entrepreneurs comme les autres ?Entre difficultés d’insertion et talents cachés, ils sont de plus en plus nombreux dans le Grand Est à tordre le cou aux clichés.
Julien est un entrepreneur alsacien aux multiples talents. Depuis 2013, il multiplie les projets : de l’exposition de photos sur les Vosges, à la promotion touristique de la région, en passant par un concept de luge innovante… . Julien est un entrepreneur créatif qui aime slasher, avec une particularité bien à lui : il est autiste asperger. “J’aime être actif, tant que c’est professionnel. Et surtout, tant que c’est mon choix”. Il faut dire qu’avant d’en arriver là, Julien comme beaucoup d’autistes, a connu un parcours un peu chaotique. Un échec scolaire “réussit” selon ses mots, une carrière provisoire de moniteur de ski dans les Vosges, puis un manque de dîplome qui le contraint à arrêter. S’en suis plusieurs mois a alterner les voyages et les petits boulots. À son retour en 2014, c’est là qu’il décide de monter son entreprise avec la complicité de sa famille.
“Le plus compliqué, ça a été d’obtenir la confiance des gens. Comme je ne suis pas à l’aise, je ne sais pas toujours quoi dire. Mais aujourd’hui, après 7 ans, j’ai réussi à être pris au sérieux. Et j’arrive enfin à vivre de mon entreprise. Mais je tiens à dire que je suis privilégié parce ce que j’ai toutes mes matinées pour moi. Et ça, ce n’est pas donné à tous les autistes”.
Cette liberté et cette autonomie, Julien n’est pas le seul à la rechercher dans le Grand Est. Comme lui, de plus en plus d’autistes se lancent dans l’entrepreneuriat. Un chemin compliqué où la réussite rime souvent avec liberté de s’exprimer à leur manière.
L’entrepreneuriat ou la quête de l’autonomie pour les autistes
Le saviez-vous? Elon Musk, PDG de Tesla vient d’avouer être autiste asperger. Tout comme Steve Jobs, PDG de Apple ou Marc Zuckerberg, PDG de Facebook, jamais diagnostiqué mais fortement suspecté. C’est la forme la plus légère des Troubles du Spectre autistique (TSA) mais aussi, la plus rare puisqu’elle ne touche que 1 autiste sur 3 000.
En terme scientifique, on appelle ça la neuroatypie. “J’aime beaucoup dire que ce n’est pas dieu qui dirige le monde mais ce sont les aspergers” en plaisante Julien. Il faut dire que si l’autisme est un handicap parfois invisible et mal connu, il peut s’avérer être un atout quand il s’agit d’entreprendre. Elon Musk ou Mark Zuckerberg en sont la preuve, tout comme Julien et des dizaines d’autres autistes entrepreneurs dans le Grand Est.
Si entreprendre est souvent synonyme d’autonomie, pour les autistes, cela a un double avantage. “Depuis que je travaille seul, je peux gérer mon emploi du temps. Je suis beaucoup moins stressé. J’ai personne pour me crier dessus si je ne vais pas assez vite” affirme Mathieu, menuisier indépendant dans le Bas-Rhin. Il faut dire que les personnes autistes font face à un stress important qui peut jouer sur leur comportement. Un stress accentué par des codes sociaux au travail incompris et une organisation différente de la leur.
S’ils s’accordent sur le bénéfice, quelles compétences professionnelles se cachent derrière ce handicap qui touche aujourd’hui, plus de 700 000 personnes en France?
Les autistes, talents incompris ?
Quand on parle d’autisme, on pense d’abord à handicap. On voit des difficultés de communication, des problèmes de comportement ou relationnel.
Valentina connaît bien le sujet : “Mes collègues me traitent souvent comme si j’étais débile, parce que je ne comprends pas forcément tout. Ils me trouvent bizarre et me mettent de côté”. Elle est auxiliaire de vie scolaire, dans un établissement public de Strasbourg où elle accompagne des enfants en difficultés ou atteints de handicap. Pourtant, elle tient à le souligner : “Si je met plus de temps à comprendre, je peux aussi faire des choses qu’eux ne peuvent pas faire. Je comprends plus facilement les enfants avec qui je travaille”.
Ces capacités propres aux personnes atteintes de Troubles du Spectre Autistique sont souvent peu appréciées par le monde du travail. Pourtant pour Dmitriy Ivashchenko “Ils sont performants. Ils ont un soucis du détail et peuvent être très créatifs, passionnés et acharnés au travail”. Il est entrepreneur en informatique et père d’un petit garçon autiste. Depuis 8 ans, il milite pour l’intégration des personnes du spectre autistique au sein des entreprises.
L’informatique est le premier domaine à avoir reconnus les compétences des autistes Asperger. Il faut dire que quand il s’agit de codage ou de programmation, leur pragmatisme, leur analyse rapide de masse de données et leur logique sont de gros avantages. Mais est-ce pour autant le seul domaine pour lequel les autistes on de l’intérêt ?
« On a des personnes qui choisissent de devenir aides cuisines, chauffeurs/livreurs, agents de maintenance, géomathématiciens, préparateurs de commande… . On en retrouve même, dans des domaines plus sociaux comme les travailleurs sociaux ou bien les professeurs”, explique Sandrine Gass, Consultante pour le dispositif Rêve de Bulles qui accompagne les personnes atteinte de Trouble du spectre autistique dans leur insertion en entreprise. “Tous les domaines sont possibles, il faut juste faire quelques aménagements”.
Une insertion difficile dans le Grand Est ?
En moyenne, une personne autiste mettra 7,6 mois pour trouver un emploi, contre 4,2 mois pour une personne neurotypique. Si beaucoup n’arrive pas à passer le cap de l’entretien, quand ils y arrivent, ce n’est pas toujours gagné. “Je me sens en décalage avec mes collègues. Je ne sais pas comment entretenir de bonne relations avec eux. J’ai également du mal à m’accorder avec mon maître d’apprentissage”. Cette expérience, c’est celle de Timothé, apprenti libraire à Nancy.
Les relations de travail peuvent donc être le premier obstacle pour les personnes atteinte de Troubles du spectre autistique. Pour favoriser leur insertion en entreprise, le dispositif Rêve de Bulles a été mis en place dès 2015 par Action et Compétences d’Alsace. “On propose d’abord de la sensibilisation aux entreprises, en abordant la manière de travailler avec des personnes autistes. Certaines vont par exemple, avoir besoin de consignes écrites, d’autre de s’isoler pendant la pause repas plutôt que d’aller manger avec les autres. Le but est de s’adapter à leur besoins, sans pour autant les stigmatiser”.
Pour pouvoir travailler au mieux, le dispositif propose également des aménagements de poste en fonction des besoins de la personne et des capacités de l’entreprise.. “Il est possible de proposer un bureau individuel ou du matériel du type casque, par exemple, pour permettre aux personnes autistes de s’isoler”, explique Sandrine Gass, Consultante pour Rêves de Bulles. “Ce sont des changements qui peuvent nous paraître anodin mais qui changent considérablement la vie de ces personnes”, continue-t’elle.
Avec 67 personnes dont seulement 9 femmes suivies, le Grand Est fait partie des Région française les plus avancée en terme d’accompagnement pour les personnes atteintes de Troubles du Spectre Autistique.
Avec 67 personnes suivies, Le Grand Est fait partie des Région française les plus avancée en terme d’accompagnement pour les personnes atteintes de Troubles du Spectre Autistique. Si les études parlent de 0,18% de la population française atteinte de TDA, le manque de diagnostics surtout chez les femmes, montre que les résultats pourraient être sous-estimé. Et si face à la pénurie, capitaliser sur l’ensemble des talents et l’inclusion étaient la solution de la Grande Région ?
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